Russie et États-Unis ont tous deux des sous-marins lance-missiles nucléaires.
Que se passera-t-il si la Russie déploie des armes près des frontières américaines ?

Une base militaire russe au Venezuela serait seulement une base face aux neuf bases déployées par les Etats-Unis en Colombie, pays limitrophe du Venezuela

Parler d’une éventuelle base militaire russe au Venezuela ont conduit de nombreuses personnes à établir des parallèles avec la crise des missiles cubains des années 1960. Ukraina.ru a interrogé des journalistes vénézuéliens à ce sujet et, en général, sur l’implication de l’Amérique latine dans la confrontation entre la Russie et les États-Unis.

 © topwar.ru

Nos interlocuteurs actuels sont :

Manuel Rugeles, journaliste pour le site vénézuélien aporrea.org, du site international kaosenlared.net et autres.

Jean Araud est un journaliste franco-vénézuélien qui vit au Venezuela depuis 52 ans, chroniqueur au journal officiel Le Courrier de l`Orénoque, correspondant d`Investig’Action à Caracas, coordinateur pour l’Amérique du Sud de Tesoro Tejido Social de Redes, membre de la FICP Federación Internacional de Comunicadores Populares et chroniqueur de La Pluma.net.        

Carlos Raul Hernández, collaborateur régulier du célèbre journal d’opposition El Universal et rédacteur en chef du site vertigomundial.com

— Considérez-vous que le déploiement de systèmes de missiles russes dans votre pays soit en principe possible, malgré l’article 13 de la constitution vénézuélienne, qui interdit les bases étrangères ?

Manuel Rugeles :

— Oui, notre Constitution interdit les installations militaires étrangères. Cependant, il faut tenir compte de la guerre qui est menée contre notre pays. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une invasion à grande échelle, il comprend une guerre économique, un blocus de territoires où nous ne sommes pas autorisés à commercer librement et à importer de la nourriture et des médicaments, un sabotage contre notre système énergétique, des tentatives d’invasion par des groupes terroristes et une constante campagne de propagande et de manipulation des médias. Une telle situation est prévue par notre Constitution et permet l’application des lois d’état d’urgence ou de situation spéciale. De plus, nous avons des accords bilatéraux avec la Fédération de Russie dans le domaine de la défense, qui permettront le déploiement d’installations militaires russes, qui ne doivent pas nécessairement être considérées comme des bases militaires.

Jean Araud :

— Il appartient au président du Venezuela, aux ministères des affaires étrangères et de la défense d’avoir leurs propres considérations pour une telle analyse. En général, les constitutions prévoient la possibilité d’amendements et le peuple vénézuélien est protagoniste et participatif.  Il possède une nouvelle constitution résultat de trois référendums : un premier pour approuver son changement, un second pour élire les constituants pour la rédiger et un troisième pour l’approbation de sa constitution actuelle. En cas de situation de sécurité impérative, il ne peut être exclu que les autorités convoquent une consultation populaire pour un amendement constitutionnel.

Carlos Raúl Hernández:

— Je pense que la question des bases russes s’est posée à propos de la déformation des déclarations du vice-ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Sergei Ryabkov. Il n’a pas parlé de bases militaires, alors je pense que la question des bases n’est pas fondée.

— Appuieriez-vous une telle démarche ou vous y opposeriez-vous ?Manuel Rugeles :

— Je n’ai absolument aucune objection à améliorer le potentiel défensif et offensif de nos forces armées sur la base de la coopération militaire bilatérale avec la Fédération de Russie, pour cela même des amendements à la Constitution du pays ne seront pas nécessaires. En pratique, une telle démarche servira à renforcer l’équilibre défensif et dissuasif entre la Russie fraternelle et pacifique et l’empire qui étend ses griffes à travers le monde.

Jean Araud :

— Il serait trop téméraire et prématuré de répondre à une telle question à l’heure actuelle. Les États-Unis renforcent leur présence militaire à la frontière ukrainienne (historiquement « berceau de la Russie ») avec la Russie, qui concentre de son côté ses troupes sur sa frontière. (que certains présentent à leur convenance comme une menace mais la Russie le présente naturellement comme une défense de son territoire. Pour ses menaces, les États-Unis incluent l’OTAN impliquant ainsi plusieurs pays de l’Union européenne. Pour l’instant ce sont des menaces verbales de Joe Biden et des négociations diplomatiques entre le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken et son homologue russe Sergueï Lavrov).

Nous avons vécu la crise des missiles soviétiques de 1962 à Cuba et je trouve certaines similitudes avec les actions actuelles des États-Unis en Ukraine (cela ressemble à une manœuvre des États-Unis pour sa prétention obsessionnelle à s’imposer comme “gendarme du monde») mais il y a une grande différence : des missiles soviétiques avaient été placés à Cuba en réponse au déploiement américain en Turquie. Maintenant, les États-Unis menacent de déployer des troupes près de la frontière russe, même si la Russie n’a aucune présence militaire près des États-Unis.

De plus, les grands médias négligent souvent le fait que les deux parties disposent de sous-marins nucléaires lance-missiles nucléaires, ce qui leur permet de se rapprocher de territoires ennemis éloignés.

Carlos Raul Hernández :

— Je crois que le Venezuela ne doit pas s’immiscer dans les affaires des grandes puissances. Je ne pense pas que les États-Unis resteront les bras croisés face à une telle décision.

— Et quelle sera la réaction de la population si Caracas et Moscou acceptent le déploiement d’une base russe au Venezuela ?

Manuel Rugeles :

— Je crois que notre peuple est suffisamment informé. Naturellement, il y aura une campagne des médias de désinformation contrôlés par les grandes corporations. De petits secteurs de la population, les partisans de la droite et l’opposition d’extrême droite seront contre, leurs représentants ont déjà commencé à s’exprimer sur cette question. Mais le peuple vénézuélien sait qui est son ennemi, qui lui complique la vie, qui lui coupe l’accès à la nourriture et aux médicaments. Il est reconnaissant à la Russie pour sa solidarité et pour avoir fourni des vaccins pour limiter la propagation du COVID-19. Je crois que si un référendum est organisé sur la question du déploiement d’armes de dissuasion destinées à empêcher la confrontation, il obtiendra le nombre de voix requis.

 Jean Araud :

— Les Vénézuéliens souffrent actuellement un blocus unilatéral brutal des États-Unis et de l’UE, qui affectent leur vie quotidienne, leur capacité à acheter de la nourriture et des médicaments. Ils savent aussi que la Russie est un allié qui leur apporte de l’aide. Au Venezuela, il existe une opposition raisonnable et patriotique, ainsi qu’une opposition complètement différente (considérée par le peuple lui-même comme apatride) qui est au service des États-Unis et de l’UE. Naturellement, les représentants de cette opposition s’opposeront à toute présence russe dans le pays. Quant à la majorité du peuple, il est probable que pour son pays allié qu’est la Russie, il souhaite une décision pacifique grâce a des négociations. Les Vénézuéliens sont un peuple historiquement pacifique, mais il ne faut pas oublier que ces dernières années, ils ont été témoins d’agressions américaines, de tentatives d’invasions et de tentatives d’assassinat du président de leur pays.

Carlos Raul Hernández :

— Un tel accord paraîtra scandaleux à la population. De plus, cela provoquera une vive controverse dans les Amériques et dans le monde.

— Une hypothétique base militaire russe servira-t-elle les intérêts du Venezuela ?

Manuel Rugeles :

— N’oublions pas que les États-Unis n’envahissent que des pays pauvres et sans défense. Rappelez-vous ce que Sun Tzu a souligné : si vous voulez la paix, vous devez vous préparer à la guerre. Nous disons ici que notre révolution est pacifique, mais armée. L’opportunité d’une telle démarche est plus qu’évidente.

 Jean Araud :

— Pour l’instant, une base russe n’est qu’une hypothèse diplomatique (et peut dépendre d’une action militaire des États-Unis contre la Russie. Comme lors de la crise des missiles de 1962, les États-Unis, l’UE et la Russie devraient arriver à des accords pour éviter un conflit aux conséquences graves pour tous, y compris pour leurs économies). Les tensions actuelles aident le président Joe Biden à détourner l’attention de la situation interne difficile aux États-Unis et constituent également une forme de distraction pour l’UE, par exemple pour le président français Emmanuel Macron à la veille des élections présidentielles.

(Pour l’instant, nous sommes en temps de paix, seulement avec des menaces militaires des États-Unis). Cependant, dans le cas improbable d’un conflit armé, tous les paramètres d’analyse changeraient. En tout cas, il est bon de se demander qui a un grand nombre de bases militaires dans le monde, (qui a utilisé des armes atomiques), qui a bombardé la Corée, le Vietnam, les pays du Moyen-Orient et d’Amérique latine. (Une base militaire russe au Venezuela serait seulement une base face aux neuf bases déployées par les Etats-Unis en Colombie, pays limitrophe du Venezuela).

 Qui est la menace et qui doit se défendre ?

Carlos Raul Hernández :

— Je ne vois aucun avantage pour le pays. Le Venezuela à repoussé avec succès l’ingérence de Donald Trump dans ses affaires internes et à faire face aux sanctions économiques américaines. Il doit maintenant faire des efforts pour améliorer sa situation économique et ne pas s’impliquer dans la création de conflits.

Note de La Pluma-net : Nous offrons à nos lecteurs les réponses complètes (entre parenthèses) de notre chroniqueur Jean Araud, qui pour un motif de temps et d’espace ont été résumées en Russie

Dimitri Strauss 27.01.2022, 11:06. Exclusif

Original: «С обеих сторон подлодки с ядерными ракетами». Что будет, если Россия разместит оружие у границ США

Traducciones disponibles: Español

Traduit de l’Español au Français par Jean Araud pour La Pluma