Tunisie : Silence, on gèle !

Une misère sans fin, un État congelé et une météo polaire : les gens lancent des appels sur les réseaux sociaux à être solidaire et à s’entraider face à la nonchalance du gouvernement. Pousseront-ils le courage jusqu’à oser sortir affronter le froid ? Heureusement, il y a un numéro vert.

Nous sommes en juillet 2023, dans la cinquième année du long hiver polaire commencé en janvier 2019. Nos ressources pétrolières et gazières sont totalement épuisées depuis longtemps, celles de nos pays frères voisins le sont presque, et ils commencent à faire la gueule devant le tarif préférentiel qu’ils nous avaient accordé dans les premiers temps de l’Éternel Hiver.

Notre président congelé mort-vivant (il y a un débat public, mais chuchoté, sur la question de savoir s’il est mort, vivant ou les deux à la fois) s’est présenté aux élections de 2019 pour un deuxième mandat et les “femmes tunisiennes”, qui attendent toujours les décrets d’application de la “loi sur l’égalité dans l’héritage”, ont une nouvelle fois voté pour lui, considérant qu’il avait tenu sa promesse principale : “Un congélateur gratuit pour chaque famille !”

L’énorme horloge sur l’avenue Habib Bourguiba est maintenant couverte de glaces éternelles – les gens l’ont rebaptisée “La Moungala-ya” -, les enfants viennent le dimanche patiner autour d’elle, dans ce qui était une fontaine. D’autres descendent de la Kasbah jusqu’à Bab El Bhar sur leurs skis, à travers les rues de la Médina transformées en couloirs de slalom.

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Flash back :  24 janvier 2019, température de 6 degrés à Tunis, un vent jusqu’à 100 km/heure.

Il neige partout dans les zones montagneuses du pays, des SDF désespérés éparpillés sur l’avenue de Habib Bourguiba et aux alentours essayent de dormir malgré le froid insupportable, priant de pouvoir se réveiller.

Pour commencer, pas de transports publics : métros, bus et trains ont arrêté de circuler, les taxis, comme à chaque fois qu’il pleut ou qu’il fait trop chaud, rentrent chez eux ou choisissent leurs courses. En un mot : disparaissent..

Une manifestation organisée par des femmes devant l’ARP pour demander l’autorisation de la polygamie (pour les hommes). semble être le meilleur coup organisé par les féministes et les laïcs pour se débarrasser d’un seul coup de toutes les candidates au rôle de 2ème, 3ème ou 4ème épouse, en espérant qu’elles allaient mourir de froid sous leurs foulards synthétiques.

La distribution des bouteilles de gaz (merci TOTAL) est en crise suite aux dernières augmentations des prix et à la suppression par étape des subventions aux produits de première nécessité (une exigence de la Banque mondiale).. Au bout de 62 ans d’indépendance, le gaz de ville ne couvre toujours pas tout le pays. Un pays trop grand pour les petits hommes qui le dirigent, sans doute.

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Dans le secteur de l’éducation publique, la crise ne semble pas avoir de fin et risque de déboucher sur une nouvelle  année blanche comme neige. Mais tout ça, c’est la faute des Rouges. C’est le ministre blanc/mauve qui le dit.

Des émirs pétroliers ont provoqué une crise et un scandale médiatique : ils avaient été autorisés par l’occupant du Palais de Carthage à chasser la gazelle dans le Sud tunisien. La gazelle, une espèce menacée de disparition. Tout comme ses chasseurs ?

Une misère sans fin, un État congelé et une météo polaire : les gens lancent des appels sur les réseaux sociaux à être solidaire et à s’entraider face à la nonchalance du gouvernement. Pousseront-ils le courage jusqu’à oser sortir affronter le froid ? Heureusement, il y a un numéro vert.

Disons merci au ciel : plus besoin de galérer comme pas possible pour décrocher un visa Schengen pour aller en Suède. La Suède, désormais, c’est ici. En tout cas, du  point de vue météoro(il)logique. Et des taux de suicides.

Rim Ben Fraj ريم بن فرج

Source: Tlaxcala, le 25 janvier 2018

Traductions disponibles: Español