Du Nord au Sud de la planète : Les répudiations de dettes de la fin du XVIII au XXIe siècle

Comme l’histoire le démontre, les États du Nord ne se gênent pas pour répudier des dettes ou des contrats de dette, pourquoi les États du Sud devraient-ils être plus respectueux qu’eux du caractère soi-disant sacré des contrats alors qu’une grande partie d’entre eux contiennent des clauses abusives et financent des projets contraires aux intérêts des populations ?

Le présent texte montre qu’il est parfaitement possible de répudier des dettes qui sont considérées comme illégitimes ou odieuses sans que cela entraîne durablement des conséquences néfastes, au contraire. L’idée selon laquelle un pays qui répudie une dette sera boycotté par les prêteurs est infirmée par la réalité.

 Sommaire  

La répudiation des dettes souveraines est un acte posé par un État souverain qui décrète que les dettes que lui réclament les créanciers sont nulles. Une annulation de dette souveraine est un acte posé par les créanciers qui renoncent totalement ou partiellement à obtenir le paiement des dettes. Au cours des 250 dernières années, on a connu un nombre élevé de répudiations et d’annulations [1].

Dans cette étude, je n’inclus pas les nombreuses annulations de dettes accordées, dans leur propre intérêt, par les créanciers comme l’annulation d’une partie des dettes de la Pologne lorsqu’elle a quitté le Pacte de Varsovie, celle de l’Égypte quand elle a appuyé la première guerre du golfe en 1991, celle du Pakistan après l’invasion de l’Afghanistan par les États-Unis et leurs alliés en 2001, celle de l’Irak en 2004 après l’invasion par les États-Unis et leurs alliés en mars 2003,… pour ne citer que quelques exemples.

Je montre aussi que les États-Unis, de loin la principale puissance économique et militaire mondiale au 20e siècle, n’ont pas hésité à répudier des contrats de dette sans même prendre la peine d’invoquer leur caractère illégitime ou odieux.

Je précise également que les répudiations et les annulations sont à distinguer des suspensions du paiement de la dette ou des restructurations de la dette souveraine qui sont bien plus nombreuses que les répudiations.

Certaines répudiations sont revendiquées en tant que telles (comme dans le cas du Mexique ou des États-Unis au 19e siècle ou de la Russie des soviets en 1918), d’autres ne sont pas pleinement assumées en tant que répudiations (comme dans le cas de la France en 1797 ou des États-Unis en 1933-1935) bien qu’elles soient le fait de l’État souverain qui déclare qu’il ne paiera pas une partie des dettes qu’on lui réclame.

Dans ce texte, je vais me concentrer sur des répudiations de dettes souveraines par des États du Nord sans prétendre être exhaustif. Mais avant cela, je présente une sélection synthétique de répudiations de dettes souveraines par des pays du Sud.

 Des répudiations de dettes par des États du Sud

Le Mexique, le Costa Rica, la Chine, l’Indonésie ou encore l’Équateur sont sortis renforcés par leurs décisions de répudiations de dettes

Dans le livre Le système dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, j’ai analysé des répudiations de dettes décidées par des États souverains du Sud [2]. En voici un bref résumé sélectif.
Le Mexique est un cas emblématique avec la décision en 1861 de Benito Juarez, président du Mexique et de son gouvernement de répudier les dettes contractées à la fin des années 1850 par ses prédécesseurs, qui avaient usurpé le pouvoir pendant trois ans et avaient contracté des emprunts pour se maintenir au pouvoir. Cette répudiation a été utilisée comme prétexte par la France, sous la conduite de Napoléon III, pour envahir ce pays avec un corps expéditionnaire de près de 50 000 soldats. En effet, Napoléon III, qui voulait étendre son empire colonial, a octroyé de manière précipitée et antidatée la nationalité française à un banquier suisse afin de justifier une expédition militaire pour obliger le Mexique à rembourser la dette réclamée par ce banquier. L’invasion française a débouché sur la désignation d’un prince autrichien, Maximilien d’Autriche en tant qu’empereur du Mexique. Au cours du règne de Maximilien, qui n’a duré que trois ans, le cercle autour de Napoléon III a fortement endetté à Paris le Mexique. Les sommes empruntées ont été pour la plupart dépensées en France, notamment pour les fournitures d’armes liées à la guerre livrée contre le peuple mexicain. Elles ont aussi contribué fortement à l’enrichissement de Napoléon et de ses proches. Lorsque le président constitutionnel Benito Juarez est revenu au pouvoir après que son armée ait battu le corps expéditionnaire français, il a répudié les dettes contractées par Maximilien d’Autriche. Cela n’a pas du tout exclu le Mexique et son gouvernement du concert des nations et des sources de financement. En effet, le Mexique a signé de nombreux traités avec les grandes puissances occidentales de l’époque, notamment les États-Unis, la Grande Bretagne et finalement la France qui a dû accepter la répudiation.

On pourrait également évoquer le cas du Costa Rica, dont le Congrès (= le pouvoir législatif), en 1919, a répudié la dette contractée par le gouvernement déchu du président Tinoco auprès d’une grande banque britannique, la Banque Royale du Canada [3]. L’acte posé par le Costa Rica a donné lieu à un arbitrage international au cours duquel le président de la Cour suprême des États-Unis a donné raison à ce pays contre la Banque Royale du Canada soutenue par la Grande Bretagne.

Patrice Lumumba, par Harry Pot, Wikimedia Commons, https://commons.wikimedia.org

Il convient également de citer la décision de la Chine après la révolution de 1949 de répudier des dettes odieuses contractées par l’ancien régime. La Chine a finalement gagné au cours des années 1980 des procès intentés contre elle aux États-Unis par des créanciers [4].
Un autre exemple, c’est la décision de l’Indonésie indépendante de répudier en 1956 une dette réclamée par les Pays-Bas, l’ancienne puissance coloniale [5].
En 1958, au moment de l’indépendance, le président de la Guinée Conakry, Sékou Touré, a refusé les dettes coloniales françaises.
Après la révolution cubaine qui a triomphé en janvier 1959, le gouvernement cubain a répudié une série de dettes et a procédé à des expropriations de grandes compagnies étrangères, en particulier étasuniennes. Cela a notamment donné lieu à un procès aux États-Unis au cours duquel les créanciers privés ont été déboutés [6].
En 1960, lors de l’indépendance de l’ex-Congo belge, le gouvernement de Patrice Lumumba a refusé les dettes réclamées par la Belgique et par la Banque mondiale. Ce n’est que lors de la consolidation de la dictature du Maréchal Mobutu que le Congo a reconnu les dettes que la Belgique avait contractées auprès de la Banque mondiale [7].
L’Algérie, devenue indépendante en 1962, a répudié des dettes réclamées par la France et a mené avec un succès certain un combat très important au sein des Nations unies contre les dettes coloniales [8].
Après le renversement du Shah en 1979, l’Iran a refusé des dettes contractées par l’ancien régime.
L’Érythrée, lors de son indépendance par rapport à l’Éthiopie en 1993, a refusé d’assumer les dettes que ce pays prétendait lui transférer [9].
A son indépendance en 2002, le Timor oriental, ancienne colonie portugaise qui en 1975 avait été annexée par l’Indonésie du dictateur Suharto, a refusé d’hériter de quelque dette que ce soit [10].
En 2005, le Paraguay a répudié avec succès des dettes que des banques suisses lui réclamaient [11].
En 2008, l’Équateur a suspendu unilatéralement le paiement d’une dette identifiée comme illégitime par une commission d’audit et a forcé les créanciers a accepté une annulation de deux tiers de la dette en suspension de paiement [12].
Dans tous ces exemples, les pays qui ont pris ces décisions en sont sortis renforcés à l’exception du Congo-Léopoldville dont le premier ministre Lumumba a été renversé puis assassiné.

 Les répudiations de dettes par des États du Nord

Trop souvent par manque d’information, le public considère que les répudiations de dettes ne se produisent que dans le Sud ou font partie d’un lointain passé. En suivant un ordre chronologique, passons aux répudiations de dettes qui ont été le fait d’États du Nord indépendamment de la nature du régime politique de ces derniers.

A) 1797 : La répudiation des 2/3 de la dette souveraine au cours de la Révolution française

Comme l’écrit Thomas Piketty : « la « banqueroute des deux tiers » en 1797 (qui est en réalité un défaut encore plus massif, compte tenu de l’épisode des assignats et de l’inflation qui en a découlé), a permis de solder les comptes de l’Ancien Régime. C’est ainsi que la dette publique française se retrouve réduite subitement à des niveaux extrêmement faibles au début du XIXe siècle (moins de 20% du revenu national en 1815). » [13] T. Piketty résume les antécédents de la banqueroute des 2/3 : « L’incapacité de la monarchie française à moderniser ses impôts et à mettre fin aux privilèges fiscaux de la noblesse est bien connue, de même que l’issue révolutionnaire finale, avec la convocation en 1789 des États généraux, qui débouche sur la mise en place d’un nouveau système fiscal dès 1790-1791 (avec notamment une taxe foncière mettant à contribution l’ensemble des propriétaires terriens et des droits de succession frappant l’ensemble des patrimoines) ». « La trajectoire britannique est totalement différente. Pour financer la guerre d’indépendance américaine, et surtout les multiples guerres avec la France pendant la période révolutionnaire et napoléonienne, la monarchie britannique choisit d’emprunter sans limite. La dette publique passe ainsi d’environ 100% du revenu national au début des années 1770 à près de 200% dans les années 1810, soit dix fois plus que la France à la même époque. Il faudra un siècle de budgets en excédent au Royaume-Uni pour réduire progressivement cet endettement à moins de 30% du revenu national au début des années 1910. »

B) 1837 : La répudiation de la dette par le Portugal

Malgré la répudiation de la dette et malgré les protestations que cela suscita, le Portugal réussit à émettre de nouveaux emprunts à Paris et à Londres

Suite à une bataille de succession qui dura de 1831 à 1834, la reine Maria répudia un emprunt émis en 1833 par le roi autoproclamé Dom Miguel. La reine Maria justifia la répudiation en disant que les banquiers n’avaient pas à prêter à Dom Miguel qui était un usurpateur de la couronne. L’emprunt avait été émis à Paris en 1833 par l’intermédiaire des banquiers Outrequin et Jauche pour un montant de 40 millions de francs à rembourser en 32 ans à 5 % d’intérêt. Les banquiers n’avaient pas hésité à prendre des risques puisqu’ils organisaient le lancement de l’emprunt à Paris alors que deux armées s’affrontaient au Portugal pour la succession du trône. Dom Miguel fut incapable de poursuivre les paiements puisqu’il fut renversé en 1834. Ensuite, la reine Maria suspendit le paiement en 1835-36 avant de procéder à la répudiation pure et simple de cet emprunt en 1837. Les détenteurs de titres se dotèrent d’un comité qui multiplia des initiatives pour obtenir un remboursement sans aucun effet pendant 54 ans [14]. En 1891, un successeur de la reine Maria finit par concéder un paiement dérisoire équivalent à 2,5 millions de francs (alors que l’emprunt initial, rappelons-le, s’élevait à 40 millions). Ces 2,5 millions correspondaient à la somme que la reine Maria avait pu récupérer dans les caisses de l’usurpateur Dom Miguel. Il est tout à fait intéressant de constater que, malgré la suspension et la répudiation de la dette et malgré les protestations que cela suscita, le Portugal réussit à émettre de nouveaux emprunts à Paris et à Londres dès 1836-37. Emprunts sur lesquels le Portugal entra en défaut de paiement très rapidement, ce qui n’empêcha pas qu’entre 1856 et 1884, 14 emprunts furent émis pour un montant de 58,4 millions de livres sterling.

C) Les 4 répudiations de dettes aux États-Unis dans la deuxième moitié des années 1830, en 1865, au cours des années 1870 et en 1898

1. Répudiation de dettes publiques par le Mississipi, l’Arkansas, la Floride et le Michigan à la fin des années 1830

Les motifs de la répudiation étaient le mauvais usage des fonds empruntés et la malhonnêteté tant des emprunteurs que des prêteurs

Dans les années 1830, quatre États des États-Unis ont répudié leurs dettes : le Mississipi, l’Arkansas, la Floride et le Michigan. Les créanciers étaient principalement britanniques. Le juriste Alexander Nahum Sack, le père de la doctrine de la dette odieuse, écrit à ce propos : « L’une des principales raisons justifiant ces répudiations a été le gaspillage des deniers empruntés : le plus souvent on avait emprunté pour l’établissement de banques ou la construction de chemins de fer ; or, ces banques firent faillite, les lignes de chemins de fer ne furent pas construites. Ces opérations louches ont été souvent le résultat d’un accord entre des membres indélicats du gouvernement et des créanciers malhonnêtes » (p. 158) [15]. Les créanciers qui ont essayé de poursuivre, devant la justice fédérale des États-Unis, les États qui avaient répudié leurs dettes ont été déboutés. Pour fonder ce rejet des plaintes, la justice fédérale s’est basée sur le 11e amendement à la Constitution des États-Unis qui prescrit que « le pouvoir judiciaire des États-Unis ne peut mener aucun procès civil ou en équité à l’encontre de l’un des États des États-Unis intenté par un citoyen d’un autre État, ou par des citoyens ou sujets d’États étrangers. » [16] Cet acte unilatéral de répudiation a été couronné de succès. Les motifs de la répudiation étaient le mauvais usage des fonds empruntés et la malhonnêteté tant des emprunteurs que des prêteurs. Il n’était pas fait référence à un quelconque caractère despotique du régime.

2. La répudiation des dettes contractées par les États sudistes durant la guerre civile

Ici, la répudiation s’est appuyée sur la finalité des emprunts et surtout le fait qu’ils avaient été contractés par des forces rebelles

À la suite de la Guerre de Sécession (1861-1865), le gouvernement fédéral a obligé les États sudistes à répudier les dettes qu’ils avaient contractées pour mener la guerre. C’est l’objet du 14e amendement à la Constitution des États-Unis, qui stipule que « neither the United States nor any State shall assume or pay any debt or obligation incurred in aid of insurrection or rebellion against the United States » (« ni les États-Unis, ni aucun État n’assumera ou ne paiera une dette ou une obligation contractée pour aider une insurrection ou une rébellion contre les États-Unis »)  [17]. Les créanciers avaient acheté à Londres et à Paris principalement des titres émis par des banquiers européens pour le compte des États sudistes. Parmi les créanciers, on trouvait la Banque Erlanger de Paris ainsi que sa filiale londonienne. Elle a organisé en 1865 la souscription de « l’emprunt Erlanger », permettant aux épargnants de se faire rembourser en coton du Sud des États-Unis, à l’époque de la guerre de Sécession, sous réserve que les États confédérés du Sud l’emportent. Ce pari était rémunéré par un taux d’intérêt, relativement élevé pour l’époque, de 7 % par an. L’emprunt était aussi négociable à Londres. Mais les porteurs d’obligations ne furent jamais remboursés, étant donné la répudiation décrétée par le gouvernement fédéral et l’application de la section 4 du 14e amendement à la Constitution. La motivation de la répudiation était que les emprunts avaient servi à financer la rébellion des États du Sud, regroupés dans la confédération, contre les États-Unis. Il n’était pas question de la nature, despotique ou autre, du régime des États du Sud. C’est la finalité des emprunts qui a été invoquée et surtout le fait qu’ils avaient été contractés par des forces rebelles.

3. Les répudiations de dette par huit États du Sud à la fin des années 1870

Une troisième vague de répudiations a eu lieu aux États-Unis après 1877. L’Alabama, l’Arkansas, la Floride, la Géorgie, la Louisiane, la Caroline du Nord, la Caroline du Sud et le Tennessee répudièrent leurs dettes en décrétant que les dettes accumulées pendant la période qui s’étend entre la fin de la Guerre de Sécession et 1877 résultaient des emprunts illicites effectués par des politiciens corrompus (dont des esclaves affranchis) qui étaient soutenus par les États du Nord [18]. Cette répudiation a donc été décidée par des gouvernants racistes (ils appartenaient en général au parti démocrate) revenus au pouvoir au Sud après le retrait des troupes fédérales qui ont occupé le Sud jusqu’en 1877.

4. La répudiation par les États-Unis de la dette réclamée par l’Espagne en 1898

Les États-Unis ont affirmé que Cuba était une fiction en tant qu’emprunteur car les dettes dites cubaines cachaient l’endettement de l’Espagne, que le budget de l’Espagne absorbait le surplus produit par l’île tout en mettant à sa charge des emprunts qui servaient ses intérêts et non ceux de Cuba

Les États-Unis déclarent la guerre à l’Espagne au milieu de l’année 1898, et envoient leur marine de guerre et leurs troupes pour « libérer » Cuba du joug espagnol. L’Espagne subit une défaite et des négociations s’engagent à Paris entre les deux pays afin d’aboutir à un Traité de Paix qui est finalement signé en décembre 1898 [19].

Pendant les négociations, les autorités espagnoles défendent la position suivante : puisque les États-Unis ont pris leur colonie, ils doivent honorer les dettes que Cuba doit à l’Espagne. Ce sont les règles du jeu. Effectivement, les règles invoquées par l’Espagne constituaient une pratique courante au 19e siècle. Un État qui en annexait un autre devait en assumer les dettes.

Les États-Unis refusent. En substance, ils déclarent : « nous avons libéré Cuba et nous avons prêté assistance aux indépendantistes qui se battent contre vous depuis plusieurs années ».

Les Espagnols répondent que si Cuba devient indépendante, elle doit payer la dette comme l’ont accepté, par traité, toutes les autres colonies espagnoles devenues indépendantes au cours du 19e siècle.

Les États-Unis refusent catégoriquement. Finalement, l’Espagne signe à Paris le traité de paix avec les États-Unis et renonce au recouvrement de la dette.

La version la plus courante qui relate ce qui s’est passé tend à dire que les États-Unis ont refusé la dette réclamée par l’Espagne à Cuba parce que cette dette avait servi à maintenir Cuba et le peuple cubain sous le joug espagnol. Or, quand on analyse le contenu des négociations, l’explication est très différente. Certes, les États-Unis ont invoqué cet argument, mais parmi bien d’autres qu’ils ont fait prévaloir pour justifier leur position.

Quels étaient les arguments avancés par les États-Unis ?

a. L’Espagne a émis en Europe des titres espagnols auprès des banquiers français et britanniques au nom de Cuba. C’est l’Espagne qui garantissait l’émission de ces titres et présentait en gage les revenus des douanes cubaines et d’autres taxes. La majorité, voire la totalité, des emprunts émis par l’Espagne au nom de Cuba sont restés en Espagne et l’ont enrichie.

b. Il n’y avait pas à proprement parler de dette de Cuba puisque Cuba, en tant que colonie, n’avait pas le droit d’émettre des titres de sa propre initiative ou en son nom propre. Les finances de l’île étaient contrôlées exclusivement par le gouvernement espagnol.

c. Il n’y avait aucune preuve que les titres espagnols gagés sur les revenus de Cuba aient servi pour des projets utiles à Cuba. Au contraire, l’histoire des finances de Cuba comme colonie montrait que les revenus de l’île étaient absorbés par le budget national de l’Espagne. C’est ainsi que, jusqu’en 1861, Cuba a produit des revenus bien supérieurs aux dépenses du gouvernement cubain mis en place par l’Espagne. Le surplus des revenus par rapport aux dépenses était transféré largement vers l’Espagne. Ensuite, lorsque l’Espagne s’est engagée dans des expéditions militaires coûteuses au Mexique, à Saint-Domingue et pour combattre les indépendantistes cubains, les finances cubaines ont commencé à entrer dans le rouge. En d’autres mots, Cuba a commencé à être en déficit budgétaire parce que l’Espagne utilisait les revenus cubains pour financer des guerres coloniales tant à l’extérieur de Cuba que sur le territoire cubain. Les expéditions militaires espagnoles vers le Mexique et Saint-Domingue partaient de Cuba.

d. En conséquence des arguments a et c, les États-Unis ont affirmé que Cuba était une fiction en tant qu’emprunteur car les dettes dites cubaines cachaient en réalité l’endettement de l’Espagne. Les États-Unis ont argumenté que le budget de l’Espagne absorbait le surplus produit par l’île tout en mettant à sa charge des emprunts qui servaient ses intérêts et non ceux de Cuba.

Après avoir utilisé les arguments précédents les États-Unis ont ajouté l’argument moral suivant : « D’un point de vue moral, la proposition de faire payer ces dettes à Cuba est tout aussi intenable. Si, comme on l’affirme parfois, les luttes pour l’indépendance de l’île ont été menées et soutenues seulement par une minorité, imposer à l’ensemble de la population le coût entraîné par la répression des soulèvements serait punir l’ensemble pour la transgression de quelques-uns. Si, en revanche, comme le soutiennent les émissaires américains, ces luttes représentaient les espérances et les aspirations du peuple cubain dans son ensemble, écraser la population sous un fardeau créé par l’Espagne dans sa tentative de s’opposer à l’indépendance serait encore plus injuste.(…) Le fardeau de ce qu’on appelle la ‘dette cubaine’, imposée à la population de Cuba sans son consentement et par la force des armes, était un des torts principaux contre lesquels ont été menées les luttes pour l’indépendance cubaine. » [20]

Face à ces arguments des États-Unis, l’Espagne a modifié sa tactique dans la négociation. Elle a proposé que les dettes cubaines soient soumises à un arbitrage international afin de déterminer quelle part avait été réellement utilisée dans l’intérêt de Cuba. L’Espagne se proposait de prendre en charge la part des dettes qui n’avait pas servi à Cuba et demandait aux États-Unis de prendre en charge l’autre partie ou de la transférer sur le nouvel État cubain indépendant. Les négociateurs des États-Unis ont télégraphié au président McKinley pour demander son opinion. Il a répondu très clairement que les États-Unis n’accepteraient d’assumer aucune dette cubaine et n’encourageraient pas Cuba à les accepter.

En conclusion, les États-Unis ont répudié la dette réclamée par l’Espagne à Cuba purement et simplement. Dès lors, l’Espagne a dû négocier avec ses créanciers français et britanniques.

D) 1918 : Le succès de la répudiation des dettes souveraines par le gouvernement soviétique

En plus de réaffirmer que des peuples ne devraient pas avoir à payer des dettes illégitimes contractées en leur nom mais pas dans leur intérêt, la Russie soviétique a reconnu le rôle d’oppresseur joué par la Russie tsariste à l’égard des nations minoritaires composant l’Empire

L’empire tsariste était une puissance du Nord qui depuis les guerres napoléoniennes et la restauration monarchique en France était alliée aux autres grandes puissances européennes [21]. Cet empire recourait fortement à l’endettement extérieur en particulier à l’égard des banques et des rentiers français. Après le renversement du tsar et la victoire de la révolution russe en 1917, le gouvernement des soviets a répudié en février 1918 l’entièreté des dettes contractées par le régime despotique tsariste et par le gouvernement provisoire qui lui a succédé entre février et octobre 1917.

En application du principe du droit à l’autodétermination des peuples défendu par le nouveau gouvernement soviétique, il accorde l’indépendance aux États baltes et à la Pologne. Des traités de paix sont signés entre la Russie soviétique et les nouveaux États baltes en 1920 : l’Estonie le 2 février, la Lituanie le 12 juillet et la Lettonie le 11 août. Ces traités de paix sont similaires et l’indépendance de ces États – qui avaient été intégrés de force dans l’Empire tsariste – y est systématiquement affirmée dans le premier ou le second article. À travers ces traités, la Russie réaffirme son opposition à la domination du capital financier et sa décision de répudier les dettes tsaristes. En effet, le traité signé le 2 février avec l’Estonie énonce : « L’Estonie ne portera aucune part des responsabilités dans les dettes et toutes autres obligations de la Russie (…). Toutes les réclamations des créanciers de la Russie pour la part de dettes concernant l’Estonie doivent être dirigées uniquement contre la Russie. » Des dispositions similaires à l’égard de la Lituanie et de la Lettonie figurent dans les traités signés avec ces États. En plus de réaffirmer que des peuples ne devraient pas avoir à payer des dettes illégitimes contractées en leur nom mais pas dans leur intérêt, la Russie soviétique reconnaît ainsi le rôle d’oppresseur joué par la Russie tsariste à l’égard des nations minoritaires composant l’Empire.

Cohérente avec les principes qu’elle proclame, la Russie soviétique va plus loin. Dans ces traités de paix, elle s’engage à restituer aux nations baltes opprimées les biens accaparés par le régime tsariste (et notamment les biens culturels et académiques tels que les écoles, les bibliothèques, les archives, les musées) ainsi que les biens individuels qui ont été évacués des territoires baltes durant la Première Guerre mondiale. À titre de réparations pour les dommages causés durant la Première Guerre mondiale à laquelle la Russie tsariste a participé, la Russie soviétique annonce dans ces traités sa volonté d’accorder 15 millions de roubles-or à l’Estonie, 3 millions de roubles-or à la Lituanie et 4 millions de roubles-or à la Lettonie, ainsi que le droit pour ces trois États d’exploiter le bois des forêts russes à proximité de leurs frontières.

1) La conférence internationale de Gênes en 1922 sur la dette russe

En avril-mai 1922, durant cinq semaines, se réunit à Gênes en Italie une importante conférence de très haut niveau. Le premier ministre britannique, Lloyd George, y joua un rôle central ; Louis Barthou, ministre du président français, Raymond Poincaré également.

L’objectif central était de convaincre la Russie soviétique [22] de reconnaître les dettes qu’elle avait répudiées en 1918 et d’abandonner ses appels à la révolution mondiale.

Les puissances invitantes étaient au nombre de 5 : la Grande-Bretagne (l’ex-principale puissance mondiale qui venait d’être dépassée par les États-Unis), la France (la 3e puissance mondiale suite à la défaite de l’Allemagne), la Belgique (qui avant-guerre était la cinquième puissance mondiale en termes d’exportation), le Japon (dont l’empire était en pleine expansion en Asie de l’Est) et l’Italie. Les États-Unis n’y ont pas participé.

Les grandes puissances pensaient qu’à la conférence, le gouvernement soviétique allait finir par reconnaître les dettes qui avaient été répudiées car la situation économique et humanitaire russe était dramatique. La guerre civile avait laissé un pays exsangue et à partir de l’été 1921, des récoltes catastrophiques avaient causé une terrible famine. Les capitales occidentales pensaient que le gouvernement soviétique était à genou et qu’elles arriveraient à leur fin en conditionnant l’octroi des prêts et des investissements dont la Russie avait besoin à la reconnaissance préalable des dettes et à l’octroi de réparations aux entreprises occidentales qui avaient été expropriées.

Pour sa part, le gouvernement soviétique était éventuellement disposé à accepter de rembourser une partie des dettes contractées par le tsar si, en échange, les autres puissances reconnaissaient officiellement (= reconnaissance de jure [23]) la Russie soviétique, lui octroyaient des prêts d’État à État, encourageaient les entreprises privées, affectées par l’expropriation de leurs filiales et de leur bien en Russie, à accepter comme indemnisation des concessions pour exploiter les ressources naturelles en particulier dans les zones désertiques de Sibérie. Le gouvernement soviétique voulait de la sorte que les capitalistes étrangers investissent avec leur propre bourse des capitaux frais dans des activités permettant à l’économie soviétique de se consolider. Le gouvernement refusait en outre la mise en place d’organismes multilatéraux pour gérer les prêts, les investissements ou les litiges qui pourraient s’y rapporter. Il voulait que le pouvoir soviétique garde son entière autonomie face aux puissances étrangères. Il n’était pas question de renoncer à l’exercice de la souveraineté.

Si ces conditions étaient réunies, Moscou était disposé à promettre de reprendre le paiement d’une partie de la dette tsariste dans un délai de trente ans. La délégation soviétique affirma clairement à plusieurs reprises au cours de la conférence qu’il s’agissait d’une concession qu’elle était prête à réaliser afin d’arriver à un accord mais, qu’au fond, elle considérait que la Russie soviétique était parfaitement en droit d’avoir répudié toute la dette tsariste (de même que celle contractée par le gouvernement provisoire entre février et octobre 1917). Finalement la conférence s’est terminée sur un désaccord et la délégation soviétique a maintenu la répudiation.

Ci-après quelques arguments avancés par la délégation soviétique.

La souveraineté des peuples n’est pas liée par les traités des tyrans

Le chef de la délégation, Georges Tchitcherine explique : « La Convention française, dont la France se réclame comme son héritière légitime, a proclamé le 22 septembre 1792 que la « souveraineté des peuples n’est pas liée par les traités des tyrans ». Se conformant à cette déclaration, la France révolutionnaire non seulement a déchiré les traités politiques de l’ancien régime avec l’étranger, mais encore a répudié sa dette d’État. Elle n’a consenti à en payer, et cela pour des motifs d’opportunité politique, qu’un tiers. C’est le « tiers consolidé », dont les intérêts n’ont commencé à être régulièrement versés qu’au début du xix siècle. Cette pratique, érigée en doctrine par des hommes de loi éminents, a été suivie presque constamment par les gouvernements issus d’une révolution ou d’une guerre de libération. Les États-Unis ont répudié les traités de leurs prédécesseurs, l’Angleterre et l’Espagne. » [24]

Tchitcherine, sur la base de précédents historiques, soutient que la Russie soviétique avait le droit de procéder à des nationalisations de biens étrangers sur son territoire : « D’autre part les gouvernements des États vainqueurs, pendant la guerre et surtout lors de la conclusion des traités de paix, n’ont pas hésité à saisir les biens des ressortissants des États vaincus situés sur leur territoire et même sur les territoires étrangers.
Conformément aux précédents, la Russie ne peut pas être obligée d’assumer une responsabilité quelconque vis-à-vis des puissances étrangères et de leurs ressortissants pour l’annulation des dettes publiques et pour la nationalisation des biens privés. »

Devant l’échec des négociations à Gênes, les puissances invitantes et la Russie se mirent d’accord pour se revoir un mois plus tard à La Haye afin d’essayer de réaliser un accord de la dernière chance. Le rendez-vous eut lieu mais aboutit également à un échec le 20 juillet 1922. La France et la Belgique, soutenues cette fois en coulisse par Washington qui était absent, avaient durci encore un peu plus leur position.

2) La réaffirmation de la répudiation des dettes débouche sur un succès

On aurait pu croire que l’échec de la conférence de Gênes et de celle de La Haye allait amener les puissances capitalistes à durcir leur position à l’égard de Moscou. C’est le contraire qui se passa. Le gouvernement soviétique a manifestement bien calculé. Les différents pays capitalistes ont considéré séparément qu’il fallait passer des accords avec Moscou car le marché russe offrait un important potentiel, de même que les ressources naturelles du pays. Chaque capitale, sous la pression des entreprises privées locales, voulut passer un accord avec Moscou afin de ne pas laisser les autres puissances profiter des possibilités du marché russe.

En 1923-24, malgré l’échec de la conférence de Gênes, le Gouvernement des Soviets fut reconnu de jure par l’Angleterre, l’Italie, les Pays Scandinaves, la France, la Grèce, la Chine et quelques autres pays. En 1925, s’ajouta le Japon.

3) A partir de 1926, malgré la répudiation des dettes, des banques privées européennes et des gouvernements commencent à accorder des prêts à l’URSS

Malgré la répudiation de dettes souveraines par l’URSS, les pays capitalistes ont considéré séparément qu’il fallait passer des accords avec Moscou car le marché russe offrait un important potentiel, de même que les ressources naturelles du pays

Le 26 juin 1926, l’URSS signait un accord de crédit avec des banques allemandes. En mars 1927, c’est la banque Midland de Londres qui octroya un crédit de 10 millions de £.
En octobre 1927, la municipalité de Vienne accordait un crédit de 100 millions de shillings. En 1929, la Norvège consentait un crédit de 20 millions de couronnes.

Finalement les États-Unis, en novembre 1933, sous la présidence de F. Roosevelt reconnurent de jure l’URSS. Le 13 février 1934, le Gouvernement des États-Unis créait l’« Export and Import Bank » dans le but de financer le commerce avec l’Union soviétique. Quelques mois plus tard, la France, afin de ne pas être exclue du marché soviétique, proposa elle-même des crédits à l’URSS afin que celle-ci achète des produits français.

Alexander Sack, qui était opposé à la répudiation des dettes et farouchement antisoviétique, concluait son étude sur les réclamations diplomatiques contre les Soviets par ces quelques phrases qui indiquent clairement qu’il est tout à fait possible de répudier des dettes sans pour autant être voué à l’isolement et à la faillite, bien au contraire :

« Au moment du vingtième anniversaire du régime soviétique, les réclamations étrangères à son égard présentent le tableau mélancolique d’une pétrification, sinon d’un abandon. L’Union soviétique se vante d’être actuellement un des pays les plus industrialisés ; elle a une balance commerciale favorable ; elle occupe le deuxième rang dans la production de l’or dans le monde. Son Gouvernement est, à présent, universellement reconnu et des crédits commerciaux lui sont accordés, pratiquement, autant qu’il en désire. Malgré cela, l’Union n’a pas reconnu, ni payé, aucune des dettes résultant de ses décrets de répudiation, de confiscation et de nationalisation. »  [25]

Épilogue : En 1997, 6 ans après la dissolution de l’URSS, Boris Eltsine passait un accord avec Paris pour mettre définitivement fin au contentieux sur les titres russes.
En 1919, le gouvernement français avait dressé une liste des détenteurs de titres russes en France : 1 600 000 de personnes déclarèrent en détenir. Il semble que les titres russes représentaient 33 % des obligations étrangères détenues par des résidents en France. Cela représentait 4,5 % du patrimoine des Français. 40 à 45 % de la dette russe étaient détenus en France. Le Crédit Lyonnais [26], la banque française qui s’était spécialisée dans l’émission de la dette russe, tirait de ces emprunts 30 % ses revenus avant 1914.

Les 400 millions de dollars obtenus de la Fédération de Russie en 1997-2000 par la France ne représentent qu’environ 1 % des sommes réclamées à la Russie soviétique par les porte-paroles des créanciers français représentés par l’État [27]. Il faut également souligner que l’accord entre la Russie et le Royaume-Uni du 15 juillet 1986 a permis l’indemnisation des porteurs britanniques pour 1,6 % de la valeur actualisée des titres.
Ce taux d’indemnisation est dérisoire et indique une fois de plus qu’un pays peut répudier sa dette.

E) Juin 1919 : La répudiation des dettes par les vainqueurs de la première guerre mondiale dans le cadre du traité de Versailles
Signature du traité de Versailles, le 28 juin, 1919. A large crowd gathers to witness the signing of the peace terms. Source : Research Library, 20th Century Fox, The U.S. National Archives, https://nara.getarchive.net/media/2f6fd07f6836dd520bc98e1c39deb34c

Lors du Traité de Versailles, les puissances occidentales victorieuses ont répudié les crédits qui avaient été octroyés par les prêteurs privés à l’Allemagne dans les territoires polonais et africains qu’elle avait colonisés et annexés. Lors de la reconstitution de la Pologne en tant qu’État indépendant après la Première Guerre mondiale, il a été décidé que les dettes contractées par l’Allemagne pour coloniser la partie de la Pologne qu’elle avait soumise ne seraient pas à charge du nouvel État indépendant. Le traité de Versailles du 28 juin 1919 stipulait : « La partie de la dette qui, d’après la Commission des Réparations, prévue audit article, se rapporte aux mesures prises par les gouvernements allemand et prussien en vue de la colonisation allemande de la Pologne, sera exclue de la proportion mise à la charge de celle-ci… » [28]. Le Traité prévoit que les créanciers qui ont prêté à l’Allemagne pour des projets en territoire polonais ne peuvent réclamer leur dû qu’à cette puissance et pas à la Pologne.

Dans le Traité de Versailles, l’Empire allemand perd les territoires qu’il avait colonisés en Afrique et les dettes de ces colonies sont annulées. La partie allemande était mécontente et a essayé de convaincre les puissances victorieuses de renoncer à cette annulation de dettes car celle-ci impliquait que l’Allemagne allait devoir rembourser cette dette. Les Alliés répondirent : « Les colonies ne devraient être astreintes à payer aucune portion de la dette allemande, et devraient être libérées de toute obligation de rembourser à l’Allemagne les frais encourus par l’administration impériale du protectorat. En fait, il serait injuste d’accabler les indigènes en leur faisant payer des dépenses manifestement engagées dans l’intérêt de l’Allemagne, et il ne serait pas moins injuste de faire peser cette responsabilité sur les Puissances mandataires qui, dans la mesure où elles ont été désignées par la Société des Nations, ne tireront aucun profit de cette tutelle. »  [29]

F) 1933 : La répudiation de la « clause or » des contrats de dette des États-Unis par le président Franklin Roosevelt

Le 19 avril 1933, six semaines après le début de son mandat présidentiel, le démocrate Franklin Roosevelt annonce que les États-Unis ne rembourseront plus leurs dettes en or

Qui a appris au cours de ses études que le gouvernement des États-Unis a annulé purement et simplement au cours des années 1930 une disposition centrale des contrats de dette portant sur un montant phénoménal ? Dans quel livre d’histoire est-ce analysé ? La répudiation de la « clause or » dans les contrats de dette au nom de l’ordre public, de l’intérêt général et de la nécessité est un épisode important de l’histoire « contemporaine ». Un épisode qui est passé sous silence, y compris aux États-Unis.

De quoi s’agit-il ?

Le 19 avril 1933, six semaines après le début de son mandat présidentiel, le démocrate Franklin Roosevelt annonce que les États-Unis ne rembourseront plus leurs dettes en or, ils se contenteront de les rembourser en monnaie papier, en dollars sous forme de billets de banque.
C’était une décision d’une très grande importance car de multiples contrats d’emprunt stipulaient que les créanciers pouvaient exiger que le remboursement de la dette s’effectue soit en or, soit en dollars au taux de 20 dollars pour une once d’or.
Les contrats d’emprunts qui contenaient une telle disposition (càd une clause or) représentaient une somme colossale pour l’époque : 120 milliards de dollars dont 20 milliards de dettes contractées par les pouvoirs publics et 100 milliards de dettes contractées par le secteur privé. Une somme largement supérieure à la richesse marchande produite en un an aux États-Unis (selon Sebastian Edwards les contrats de dette avec une clause or représentaient à l’époque 180% du PIB des E-U [30]).
Cette décision prise par le président Roosevelt obtient l’approbation du Congrès des États-Unis qui, en juin 1933, transforme en loi l’abandon de la clause or dans les titres de dettes. La minorité de parlementaires de son parti et du parti républicain qui s’opposent à cette décision disent haut et fort qu’il s’agit purement et simplement d’une répudiation de dettes et de contrats. Lewis Douglas, le directeur du budget, un des plus proches conseillers et collaborateurs du président Roosevelt avait tenté de s’opposer à cette décision et avait déclaré lors d’une réunion du cabinet de crise de Roosevelt que cette décision signifiait « la fin de la civilisation occidentale » (Edwards, p. 58). Sebastian Edwards, un économiste néo libéral, qui a publié un livre en 2018 entièrement consacré à cette décision de l’administration Roosevelt, intitule le chapitre 6 de son livre « Un transfert de richesse en faveur de la classe des endettés », ce qui est lourd de sens (Edwards, p. 57). Après avoir annulé la clause or contenue dans tous les contrats de dettes, le président des États-Unis annonce une dévaluation de 69% du dollar par rapport à l’or (dorénavant une once d’or vaudrait 35 dollars [31] alors qu’elle avait valu 20,67 dollars jusqu’alors). Cela veut dire que les États-Unis et les emprunteurs privés qui ont « émis » ou signés des reconnaissances de dette avec la clause or ne remboursent plus leurs dettes en or, ils les remboursent en monnaie de papier fortement dévaluée.

La minorité de parlementaires de son parti et du parti républicain qui s’opposent à cette décision disent haut et fort qu’il s’agit purement et simplement d’une répudiation de dettes et de contrats

En février 1935, la Cour Suprême s’est prononcée, à la demande du gouvernement, sur la constitutionnalité de la décision d’annulation de la clause or prise par le Congrès et le président.
Face à la Cour Suprême, un élément fondamental de l’argumentation juridique du gouvernement était qu’en 1933, le Congrès était confronté à l’impérieuse « nécessité d’agir » et de mettre fin à la Dépression. Cette « action » nécessaire, qui incluait la dévaluation du dollar par rapport à l’or, ne pouvait être effective que si la clause or était éliminée des contrats passés et futurs. Si les clauses relatives à l’or avaient été maintenues, cela aurait signifié, selon le gouvernement, la faillite à l’échelle nationale. C’est pourquoi, toujours selon le gouvernement, le Congrès, confronté à une profonde récession, un effondrement bancaire et une panique monétaire a adopté la résolution conjointe annulant toutes ces clauses. Selon le gouvernement, il s’agissait de sauver le pays.
De leur côté, des juristes adversaires de l’annulation de la clause or ont affirmé que celle-ci était égale à une expropriation sans indemnisation. (Edwards p. 152)
Face à eux, les juristes favorables à l’annulation de la clause or ont affirmé que les détenteurs de titres de dette devaient assumer les risques qu’ils avaient pris en achetant ces titres (Edwards, p. 151). Les avocats de l’administration Roosevelt ont fait valoir avec force que la clause en question était « contraire à l’ordre public », un terme légal qui implique que certaines actions, réglementations ou contrats sont nuisibles et portent préjudice au public et aux citoyens en général. Selon le gouvernement, la clause sur l’or était « incompatible avec notre actuel système monétaire. » [32] (Edwards, p. 140)

Finalement par 8 voix contre une, la Cour Suprême déclare que l’annulation de la clause or est contraire à la constitution ! Mais par 5 voix contre 4, elle considère que cela n’entraîne pas de dommage. En conséquence, la répudiation de la clause or, y compris de manière rétroactive sur tous les titres de dette, est confirmée.
James Clark McReynolds, un des 4 juges minoritaires a affirmé publiquement pour justifier son opposition à l’acceptation par la Cour Suprême de la suppression de la clause or : « La honte et l’humiliation sont sur nous maintenant. On peut s’attendre avec certitude à un chaos moral et financier. » ( « Shame and humiliation are upon us now. Moral and financial chaos may be confidently expected » [33]).

Cette politique radicale de répudiation de contrat n’entraîna aucune difficulté en terme de nouveaux emprunts

Et pourtant cette politique radicale de répudiation de contrat n’entraîna aucune difficulté en terme de nouveaux emprunts. Tout au long des années 1933-1934-1935 (et par la suite [34]), le gouvernement des États-Unis n’a rencontré aucun problème pour émettre de nouveaux titres de dette et cela à des taux très faibles. C’est le cas d’un emprunt réalisé le 11 octobre 1933. Le gouvernement a réussi à placer un emprunt à 12 ans avec un taux d’intérêt extrêmement bas de 1% (Edwards, p. 106). Pendant ce temps, une partie des créanciers étrangers s’organisaient en cartel. En effet, le jour de l’émission de cet emprunt, de l’autre côté de l’Atlantique, à Londres, se formait le Comité consultatif et de protection des investissements américains (Advisory and Protective Committee for American Investments). Son but était d’essayer d’obtenir de la justice des décisions favorables aux investisseurs britanniques face à la suspension des paiements en or décidée par les États-Unis. Le but de ce cartel était d’agir de manière complémentaire à un autre cartel qui arborait une appellation très claire : Comité contre la répudiation de la clause or (Committee against the Repudiation of the Gold clause) et qui rassemblait depuis juillet 1933 des détenteurs de titres résidant en France, en Belgique et en Suisse (Edwards, p. 107). Ces différentes initiatives des créanciers n’ont eu aucun effet, la répudiation de la clause or a parfaitement fonctionné à l’avantage des États-Unis.

Dorothea Lange, Des cueilleurs de pois sans ressources en Californie. Mère de sept enfants. Trente-deux ans. Nipomo, Californie. Dorothea Lange, Destitute pea pickers in California. Mother of seven children. Age thirty-two. Nipomo, California, New York Public Library, https://picryl.com/media/destitute-pea-pickers-in-california-mother-of-seven-children-age-thirty-two-56cc4e.

Malgré l’annonce du chaos provenant d’un secteur de la finance, d’une minorité de parlementaires et d’une partie des juristes, la suppression de la clause or et la dévaluation du dollar ont permis une augmentation très importante de la quantité d’or mis à la disposition du ministère des finances entre janvier et décembre 1934. Le stock d’or à disposition du gouvernement est passé de 3,9 milliards à 8,1 milliards de dollars (dans cette augmentation, 2,5 milliards représentent l’effet de la dévaluation, le reste provenant des rachats d’or par le Trésor). Une très grande quantité d’or, racheté par le trésor étatsunien, a afflué vers les États-Unis en provenance de Londres et de Paris principalement (Edwards, p. 122).
De plus, le parti du président, le parti démocrate a bénéficié fortement de la popularité des mesures très fortes qu’il a prises, il a remporté les élections de mi-mandat en octobre 1934 et a renforcé sa majorité au Sénat en gagnant 9 sénateurs supplémentaires. Il a réussi à obtenir 69 sénateurs sur un total de 96.

Roosevelt : « Cette résolution commune était une étape nécessaire pour mettre en œuvre le contrôle du gouvernement sur le système monétaire »

Il faut souligner que le gouvernement de Franklin Roosevelt a pris d’autres mesures très fortes

-  Fermeture de toutes les banques pendant 10 jours calendrier et mise en faillite de plus de mille d’entre elles [35]. Ces dispositions seront suivies plus tard par l’adoption de la loi de séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires. Le gouvernement et le président se font donner les pleins pouvoirs sur les banques par le Congrès afin d’assainir radicalement le système financier en y imposant une forte discipline pour éviter la répétition de manipulations financières et d’escroqueries en tout genre. Wall Street, la bourse de New York, est fermée pendant plus de 10 jours entre le 3 mars et le 15 mars.

-  Le gouvernement met sous ses ordres la direction de la Réserve Fédérale (au sein de laquelle les grandes banques privées jouent un rôle très important et cherchent à rendre difficile la tâche de la présidence de reprendre le contrôle de la politique monétaire et financière) et prend les rênes de la politique monétaire. Le New York Times du 1er janvier 1934 a affirmé que la décision du gouvernement « permettra au président de prendre tous les pouvoirs d’émission de monnaie de la Réserve Fédérale, et de les placer exclusivement dans le gouvernement. » (Edwards, p. 115) [36]. Le gouvernement a également décidé que tout le stock d’or détenu par la Réserve Fédérale était désormais à la disposition du Ministre des Finances.

-  Le gouvernement annule une partie des dettes des familles paysannes.

-  Le gouvernement garantit les droits des travailleur·euses notamment le droit de créer et d’adhérer à des organisations syndicales, le droit de faire grève, le droit à une convention collective, le droit à une assurance-chômage, le droit à un salaire minimum légal…

-  L’administration du président Roosevelt a augmenté fortement les taux des impôts sur les hauts revenus à deux reprises. Quand le président démocrate arrive au pouvoir, en 1933, le taux marginal de l’impôt sur les revenus les plus élevés est de 25%. En trois étapes, il fera passer progressivement ce taux à 91%. En 1935, le « Revenue act » (familièrement appelé « soak the rich tax ») remet à plat les règles d’imposition pour les hauts revenus. Les personnes gagnant plus de 200.000 dollars par an sont taxées plus fortement, à hauteur de 63%. La loi fut révisée en 1936, augmentant le taux à 79% puis atteindra 91% en 1941 [37].

Aux États-Unis, en 1933, la classe ouvrière était radicalisée à gauche et était prête à entrer en action si le grand capital ne faisait pas d’importantes concessions

Roosevelt a amené le grand capital étasunien à accepter la réforme du capitalisme par l’introduction du New Deal. Aux États-Unis, en 1933, la classe ouvrière était radicalisée à gauche et était prête à entrer en action si le grand capital ne faisait pas d’importantes concessions. Aux yeux du grand capital, cela a fait apparaître Roosevelt comme un moindre mal par rapport au risque d’une révolution sociale incontrôlable.

G) D’autres pays capitalistes ont supprimé la convertibilité de leur monnaie en or et ont suspendu le paiement de leur dette extérieure dans les années 1930

Les États-Unis ne sont pas les seuls à avoir pris la décision d’abandonner la convertibilité en or. L’Australie l’a abandonnée en décembre 1929. La Grande Bretagne en 1931 était elle-même sortie de la clause or et elle avait dévalué la livre sterling de 30% (Edwards, p. 34).
Profitant de la décision des États-Unis, le gouvernement nazi en place depuis mars 1933, décide le 27 avril de la même année d’abandonner la convertibilité en or. Le Japon et l’Italie font de même le 28 novembre 1933.
Le 21 juillet 1933, le Royaume-Uni annonce qu’il annule le paiement en or des dettes de la Première Guerre mondiale et justifie cette décision en indiquant que c’est la suite logique de la décision prise par les États-Unis [38].
Finalement en 1934, une quinzaine de pays européens qui avaient une dette à l’égard des États-Unis suite à la première guerre mondiale étaient en suspension de paiement, une seule exception : la Finlande. Finalement, une partie des dettes dues par les pays européens aux États-Unis ne sera jamais remboursée.

H) Un cas particulier : la dénonciation de la dette souveraine par le pouvoir nazi et l’annulation de plus de 60% de la dette de l’Allemagne occidentale en 1953.

Dans le monde capitaliste, un acte radical de suspension de paiement ou de dénonciation des dettes décrété par un pouvoir criminel peut déboucher sur une victoire

On peut également évoquer dans cette étude la dénonciation par Hitler des dettes réclamées à l’Allemagne suite à la Première Guerre mondiale et sa décision de suspendre totalement le paiement des dettes allemandes à partir de mai 1933 en dénonçant les conditions imposées injustement à l’Allemagne après la première guerre mondiale. Cela n’a pas empêché les prêteurs étrangers y compris étasuniens d’octroyer de nouveaux crédits au régime nazi et aux grandes entreprises privées allemandes qui le soutenaient. Après la Seconde Guerre mondiale, la suspension prolongée du paiement de la dette et les conséquences désastreuses des actions monstrueuses du régime nazi n’ont pas empêché les puissances occidentales, et en particulier les États-Unis, de venir en aide à l’Allemagne occidentale en annulant plus de 60% de la dette allemande lors de l’accord de Londres de 1953 et de renoncer à demander le paiement de réparations de guerre. J’ai analysé l’accord de Londres ici. Cela a permis à l’Allemagne occidentale de se redresser rapidement et de réussir finalement à absorber l’Allemagne de l’Est lors de la réunification de 1990. Donc l’attitude belliciste de l’Allemagne et l’action génocidaire du régime nazi soutenu par les grandes entreprises allemandes qui n’ont nullement été démantelées n’ont pas entraîné un bannissement de l’Allemagne, loin de là. Elle a eu largement accès pendant le régime nazi, et après, à des sources de financement.
Cet exemple démontre que dans le monde capitaliste, un acte radical de suspension de paiement ou de dénonciation des dettes décrété par un pouvoir criminel peut déboucher sur une victoire.
Si un gouvernement odieux peut faire cela, a fortiori un gouvernement démocratique et populaire devrait pouvoir le faire car il peut fonder son acte sur le droit international et réaliser cela pour des objectifs légitimes.

A noter aussi qu’en 2022, alors que le gouvernement conservateur polonais a rouvert le dossier de la demande de réparation de guerre et réclame officiellement à l’Allemagne 1300 milliards d’euros, les autorités allemandes déclarent qu’il n’en n’est pas question et que le dossier est clos. Elles ont fait de même avec les demandes adressées par la Grèce durant les deux mandats du gouvernement Syriza du premier ministre Alexis Tsipras (2015-2019). Si le gouvernement grec avait eu de l’audace et du courage, il aurait pu répudier la dette réclamée par l’Allemagne à la Grèce après la mise en place de la Troïka en 2010. En effet, la somme des réparations de guerre auxquelles la Grèce pouvait légitimement prétendre dépassait de loin les prêts de l’Allemagne à la Grèce dans le cadre de la politique néfaste menée par la Troïka. La Grèce était en droit de prendre des contre-mesures comme le prévoit le droit international [39].

I) 1971 : la décision du président Richard Nixon de ne plus permettre le remboursement en or des dettes externes des États-Unis

Michael Hudson : « En suspendant les paiements en or, les États-Unis répudiaient, en fait, leur dette étrangère »

Une dizaine d’années après la décision de l’administration Roosevelt de mettre fin à la convertibilité du dollar en or en pleine crise économique et financière mondiale, les accords pris à Bretton Woods en 1944 ont présidé à la mise en place d’un système monétaire international dominé par le dollar en assurant que celui-ci était convertible en or au prix de 35 dollars pour une once d’or.
A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis étaient dans la position du principal créancier mondial et sa production industrielle trouvait un débouché dans les efforts de reconstruction de l’Europe, du Japon et d’autres parties du monde faisant partie du système capitaliste international. Au cours des 30 ans qui suivirent la deuxième guerre mondiale, la position commerciale et financière des États-Unis commença à changer profondément. Les États-Unis, premier créancier mondial, devinrent progressivement débiteur par rapport aux autres puissances capitalistes qui avaient reconstruit leur appareil industriel. Ils continuaient à dominer le monde capitaliste international tant sur le plan monétaire, qu’économique et militaire mais ils importaient plus de marchandises d’Europe occidentale et du Japon que ce qu’ils n’exportaient vers ces pays. Les États-Unis ont fini par accumuler des déficits commerciaux et financiers de plus en plus importants par rapports à leurs principaux partenaires commerciaux : les 6 pays de la Communauté économique européenne (l’Allemagne de l’Ouest, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas), la Grande Bretagne et le Japon. En conséquence, ces derniers avaient accumulé une énorme quantité de dollars qu’ils souhaitaient périodiquement échanger contre de l’or auprès des États-Unis en vertu des accords de Bretton Woods. Les réserves d’or des États-Unis se sont amenuisées.
Le 15 août 1971, sans aucune véritable négociation ou même concertation, le président Richard Nixon annonça au reste du monde que dorénavant les États-Unis refuseraient de rembourser en or les dollars qui lui seraient présentés mettant ainsi fin pour une seconde fois au cours du 20e siècle à la convertibilité du dollar en or. Or, les billets de banque (banknotes) en dollars constituaient une reconnaissance de dettes du Trésor américain à l’égard des porteurs de ces billets. De plus, l’administration du président Nixon décida une dévaluation du dollar. Donc non seulement les Etats-Unis ont décidé de répudier la règle de la convertibilité du dollar en or, règle implicite sur laquelle était fondé le système monétaire internationale depuis les accords de Bretton Woods, ils décidèrent en plus que dorénavant les dollars étaient fortement dévalués. La dette que les États-Unis devaient en dollars aux pays étrangers allaient donc être payée en monnaie dévaluée, ce qui signifie que les remboursements en dollars des États-Unis à ses pays créanciers représentaient moins de pouvoir d’achat après la décision de Richard Nixon qu’avant celle-ci. Cela amène l’économiste étasunien Michael Hudson à affirmer : « En suspendant les paiements en or, les États-Unis répudiaient, en fait, leur dette étrangère ».
La décision unilatérale des États-Unis a provoqué de multiples protestations de la part des gouvernements du bloc capitaliste mais il n’y a pas eu de représailles.

Pour en savoir plus lire : La décision du président Richard Nixon de mettre fin en 1971 aux accords de Bretton Woods
J) 1991 : La répudiation des dettes par les trois États baltes après l’implosion de l’URSS

Lors de la dissolution en 1991 de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), les trois républiques baltes se sont posées la question de la répartition des dettes. L’ex-URSS avait annexé les États Baltes à partir de 1940. En raison de l’illégalité de cette occupation, les États Baltes ont refusé très clairement de participer à la dette de l’ex-URSS et donc d’y être successeur. Par la suite, ils ont adhéré à l’Union européenne et à la zone euro.

Pour en savoir plus sur les dettes de l’ex-URSS, lire aussi : Les États font « table rase » et répudient les dettes, à qui le tour ?
K) 2008 : Après la crise bancaire, le refus de l’Islande d’honorer des dettes réclamées par la Grande Bretagne et les Pays Bas
Manifestation du 15 Novembre 2008 en Islande, dans un contexte de crise économique mondiale, Protests on Austurvöllur because of the Icelandic economic crisis. Some protesters are waving black flags, some have signs in English, Haukurth, Wikimedia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:M%C3%B3tm%C3%A6lendur_vi%C3%B0_Al%C3%BEingish%C3%BAsi%C3%B0.jpg

Ce jugement montre qu’un petit pays de 320 000 habitant·es peut résister à de grandes puissances et refuser de payer des sommes indues

Après la crise bancaire d’octobre 2008 au cours de laquelle l’ensemble des banques islandaises ont fait faillite, le gouvernement islandais sous la pression populaire a, de fait, répudié les dettes réclamées par le Royaume Uni et les Pays-Bas. Ces deux pays exigeaient de l’Islande le paiement de 3,5 milliards d’euros qui correspondaient aux indemnités versées par Londres et La Haye aux déposants ayant perdu de l’argent dans la faillite de Icesave, une filiale de la banque privée Landsbanki. Londres utilisa une loi anti-terroriste pour geler les avoirs de la Banque centrale islandaise sur son territoire. Au travers de deux référendums successifs, la population islandaise rejeta les propositions visant à indemniser le RU et les P-B. Finalement, l’EFTA, le tribunal de l’AELE (Association européenne de libre-échange) rejeta toutes les plaintes déposées par ces deux pays contre l’Islande et les condamna à payer les frais de justice [40]. Le jugement indique clairement qu’un pays où une société bancaire privée a son siège n’a pas l’obligation d’indemniser les déposants. Le mécanisme de filet de sécurité doit être financé par les banques elles-mêmes [41]. Ce jugement montre qu’un petit pays de 320 000 habitant-es peut résister à de grandes puissances et refuser de payer des sommes indues. L’économie islandaise s’est relevée bien plus rapidement de la crise bancaire internationale de 2008 que la plupart des pays de l’Union européenne.

Lire également : Le tribunal de l’AELE rejette les réclamations « Icesave » contre l’Islande et ses habitants
L) Mai 2019 : Le jugement de la Cour de Justice de l’Union européenne à propos de la dette grecque : Pacta sunt servanda versus Rebus sic stantibus

Un État peut annuler entièrement une dette ou la réduire radicalement si les circonstances le justifient

Un arrêt du Tribunal de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) montre qu’un État peut imposer des pertes considérables aux créanciers et qu’il peut modifier unilatéralement ses obligations en matière de dette. Dans un arrêt du 23 mai 2019, les juges européens donnent tort aux requérants, des créanciers allemands (trois individus et deux sociétés) de la dette grecque, qui exigeaient des compensations financières pour un montant total avoisinant 4 millions d’euros. Ces créanciers allemands considéraient que la loi adoptée par la Grèce en 2012, qui impose un échange forcé de titres de sa dette contre de nouveaux titres avec une réduction de valeur de plus de 50 %, constituait une violation des obligations de la Grèce. Les requérants invoquaient la violation du principe pacta sunt servanda qui implique qu’un contrat doit être respecté.

La Cour leur a répondu que ce principe général ne s’appliquait pas à eux et que, de toute manière, un État pouvait ne pas respecter le principe pacta sunt servanda s’il invoquait avec raison le principe rebus sic stantibus. La Cour les a déboutés et les a condamnés à payer les frais de justice.

Le principe de droit connu comme pacta sunt servanda selon lequel un État doit respecter les obligations qu’il a contractées n’est pas absolu. Dans certaines circonstances, un État peut ne pas exécuter les termes du contrat. Il peut modifier les termes de ce contrat. En effet, le principe Pacta sunt servanda , qui implique que les parties sont liées au contrat venant d’être conclu et qu’à ce titre elles ne sauraient déroger aux obligations issues de cet accord, est tempéré par un autre principe dit clausula rebus sic stantibus ( « choses demeurant en l’état ») qui sous-entend que les dispositions du traité ou du contrat ne restent applicables que pour autant que les circonstances essentielles qui ont justifié la conclusion de ces actes demeurent en l’état et que leur changement n’altère pas radicalement les obligations initialement acceptées. Dit très simplement, si les circonstances dans lesquelles un contrat a été signé changent de manière importante, une des parties peut ne pas exécuter les termes du contrat.

Cour de justice de l’Union Européenne, Transparency International, https://www.flickr.com/photos/transparencyinternationaleu/11322183133

La Cour a répondu aux créanciers qu’ils ne pouvaient pas invoquer le principe de la continuité des obligations de l’État grec à leur égard. Premièrement, elle a affirmé que la Convention de Vienne sur laquelle s’appuyaient les plaignants ne s’appliquent qu’aux relations entre les États. Voici ce que dit l’arrêt en son point 78 : « En l’espèce, la souscription par les requérants aux titres de créance litigieux émis et garantis par la République hellénique a créé une relation contractuelle entre eux et la République hellénique. Cette relation contractuelle n’est pas régie par le principe pacta sunt servanda de l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités. En effet, en application de son article 1er, cette convention ne s’applique qu’aux traités entre États. »

Deuxièmement, les juges de la Cour ont affirmé que la Grèce pouvait s’appuyer sur l’argument du changement des circonstances, c’est à dire le principe rebus sic stantibus pour ne pas respecter ses obligations liées à un contrat. La Grèce a utilisé le principe rebus sic stantibus pour adopter la loi no 4050/2012 qui imposait aux détenteurs de titres de la dette grecque une perte d’un peu plus de 50%.

Voici ce que dit la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) au point 84 : « En outre et en tout état de cause, il n’est pas avéré que l’adoption de la loi no 4050/2012 a entraîné une violation du principe pacta sunt servanda. En effet, l’investissement dans des titres de créance étatiques n’était pas exempt du risque d’un préjudice patrimonial, même si le droit régissant ces titres ne prévoyait pas la possibilité, avant leur échéance, de renégocier certaines modalités, telles que la valeur nominale, le coupon couru et l’échéance. Comme l’a indiqué le Conseil d’État de la Grèce, ce risque est notamment dû au grand laps de temps qui s’écoule à compter de l’émission des titres de créance et pendant lequel des imprévus risquent de limiter substantiellement, voire d’anéantir, les capacités financières de l’État, émetteur ou garant de ces titres. Ainsi qu’il a été jugé par la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), si de tels imprévus surviennent, comme en l’espèce la crise de la dette publique grecque, l’État émetteur est en droit de tenter une renégociation sur le fondement du principe rebus sic stantibus. [42] »

C’est une décision très importante pour deux raisons fondamentales :

1. Des créanciers privés (des individus ou des sociétés privées – banques, fonds d’investissements, fonds vautours…) ne peuvent pas invoquer la convention de Vienne pour se retourner contre un État qui leur impose des pertes.

2. Un État peut ne pas exécuter les termes d’un contrat avec les créanciers et peut modifier ce contrat en leur imposant des pertes. Cela signifie qu’il peut annuler entièrement une dette ou la réduire radicalement si les circonstances le justifient.

Conclusions :

Il est tout à fait possible de répudier des dettes ou les termes d’un contrat de dette sans que cela entraîne des conséquences graves pour le pays concerné

Comme l’histoire le démontre, les États du Nord ne se gênent pas pour répudier des dettes ou des contrats de dette, pourquoi les États du Sud devraient-ils être plus respectueux qu’eux du caractère soi-disant sacré des contrats alors qu’une grande partie d’entre eux contiennent des clauses abusives et financent des projets contraires aux intérêts des populations ?

Il est tout à fait possible de répudier des dettes ou les termes d’un contrat de dette sans que cela entraîne des conséquences graves pour le pays concerné. Au contraire, cela peut constituer le point de départ nécessaire à la récupération.

De plus, de nombreux États qui sont confrontés à un changement fondamental de circonstances dus à des chocs extérieurs comme les effets d’une pandémie, les effets de la crise économique internationale générée au Nord, les effets de la crise écologique et du changement climatique en cours, les conséquences de la guerre en Ukraine, les effets de la hausse brutale et spectaculaire des prix des combustibles et des aliments,… devraient s’appuyer sur le principe rebus sic stantibus afin de réduire radicalement les ressources budgétaires destinées aux créanciers de la dette et les rediriger vers les dépenses destinées à venir en aide à leur population, à accélérer et à amplifier la lutte contre la crise écologique. Et dans le cas d’un changement fondamental de circonstances, il n’est pas nécessaire de prouver le caractère illégitime ou odieux des dettes réclamées par les créanciers.

Si le peuple veut entreprendre un véritable changement, la répudiation ou l’abolition des dettes publiques illégitimes doit faire partie d’un ensemble de mesures qui touchent l’ensemble des éléments clés de la société. Un programme de changement comprendrait notamment l’abandon des politiques d’austérité, l’annulation des dettes privées illégitimes, la mise en place d’une réforme fiscale d’ensemble avec une forte imposition du capital, la réduction généralisée du temps de travail avec embauches compensatoires et maintien du salaire, la socialisation des banques, des assurances, de l’énergie, de l’eau et de la santé (y compris l’industrie pharmaceutique), la réorientation radicale des missions de la banque centrale, des mesures pour assurer l’égalité hommes-femmes, le développement des services publics et de la protection sociale ainsi que la mise en place d’une politique déterminée de lutte contre la crise écologique.

Il ne faut pas se contenter d’attendre des initiatives de répudiation ou d’annulation d’en haut, de la part des gouvernements au Nord et au Sud. Seules des mobilisations de très grande ampleur peuvent garantir qu’une alternative radicale soit réalisée. La répudiation ou l’abolition des dettes publiques illégitimes ne constitue pas une fin en soi. Il s’agit d’une condition nécessaire, mais non suffisante, pour garantir la satisfaction des droits humains.

Notes

[1REINHARDT Carmen et ROGOFF Kenneth, Cette fois, c’est différent. Huit siècles de folie financière, Paris, Pearson, 2010.

[2Toussaint, Éric. 2017. Le système dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les Liens qui Libèrent, Paris, 334 pages (2017), chapitre 3, p. 54, p. 61 à 68.

[3Sarah Ludington, G. Mitu Gulati, Alfred L. Brophy, « Applied Legal History : Demystifying the Doctrine of Odious Debts », 2009, http://scholarship.law.duke.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=5511&context=faculty_scholarship

[4Jeff King, The Doctrine of Odious Debt in International Law. A Restatement, University College London, 2016, p. 84-85.

[5Jeff King, The Doctrine of Odious Debt in International Law. A Restatement, University College London, 2016, p. 80-81.

[6US Supreme Court, Banco Nacional de Cuba v. Sabbatino, 376 U.S. 398 (1964) https://supreme.justia.com/cases/federal/us/376/398/

[7Éric Toussaint. Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013.

[8Anaïs Carton, « Un État a le droit de refuser le transfert de dettes contractées en période d’assujettissement », https://www.cadtm.org/Un-Etat-a-le-droit-de-refuser-le-transfert-de-dettes-contractees-en-periode-d

[9Jeff King, The Doctrine of Odious Debt, p. 104-106.

[10Éric Toussaint, Banque Mondiale. Une histoire critique. Édition Syllepse, Paris, 2022, 532 pages, chapitre 9, p. 162-163, p. 172-176.

[11Presidencia de la Republica de Paraguay, decreto n° 6295, 26 de Agosto 2005.

[12Éric Toussaint, Banque Mondiale. Une histoire critique, chapitre 23, p. 371 à 379. Voir aussi International Monetary Fund, “Sovereign Debt Restructurings 1950-2010 : Literature Survey, Data and Stylized Facts”, IMF Working Paper, Washington DC, 2012, WW/12/203, p. 78 https://www.researchgate.net/publication/268198955_Sovereign_Debt_Restructurings_1950-2010_Literature_Survey_Data_and_Stylized_Facts

[13Piketty, Thomas. 2013. Le capital au XXIe siècle, Le Seuil, Paris, 970 p. p. 206-207.

[14Les détenteurs de titres perdirent d’ailleurs le premier procès qu’ils intentèrent en France contre le Portugal en 1879. Voir William Wynne, State Insolvency and Foreign Bondholders. Selected Case Histories of Governmental Foreign Bond Defaults and Debt Readjustments, vol. 2, New Haven, Yale University Press, 1951, pp. 361-386. Toutes les informations sur la répudiation des dettes par le Portugal proviennent de cet ouvrage.

[15Les effets des transformations des États sur leurs dettes publiques et autres obligations financières : traité juridique et financier, Recueil Sirey, Paris, 1927. Voir le document presque complet en téléchargement libre sur le site du CADTM : http://cadtm.org/IMG/pdf/Alexander_Sack_DETTE_ODIEUSE.pdf

[17Il est très important de souligner que le 14e amendement exclut également toute indemnisation des propriétaires d’esclaves. Quatre millions d’esclaves furent émancipés sans la moindre compensation à l’égard de leurs anciens maîtres. Source : Sarah Ludington, G. Mitu Gulati, Alfred L. Brophy, « Applied Legal History : Demystifying the Doctrine of Odious Debts », 2009, http://scholarship.law.duke.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=5511&context=faculty_scholarship

[18Pour plus de détails, lire Sarah Ludington, G. Mitu Gulati, Alfred L. Brophy, op.cit.

[19L’exposé qui suit est en partie basé sur l’étude déjà citée de Sarah Ludington, G. Mitu Gulati, Alfred L. Brophy, « Applied Legal History : Demystifying the Doctrine of Odious Debts », 2009.

[20Source de cette citation : J. B. MOORE, Digest International Arbitrations, vol. I, p. p. 358-359.

[21La Russie a émergé de la fin des guerres napoléoniennes comme une grande puissance européenne, elle a participé à la formation de la Sainte-Alliance. La Sainte-Alliance a été constituée le 26 septembre 1815 à Paris, à l’instigation du Tsar Alexandre 1er, par trois monarchies européennes victorieuses de l’empire napoléonien, dans le but de raffermir leurs positions et de se prémunir contre des révolutions. Constituée dans un premier temps par l’Empire russe, l’Empire d’Autriche et le Royaume de Prusse, elle a été rejointe par la France (où la monarchie avait été restaurée) en 1818 et a été de fait appuyée par Londres.

[22Lorsque la conférence de Gênes s’est réunie l’Union des républiques socialistes soviétiques n’était pas encore née. Elle a été créée en décembre 1922 et a été dissoute en décembre 1991. A la conférence de Gênes la délégation soviétique représentait officiellement la République Socialiste Fédérale des Soviets de Russie, pour simplifier nous utilisons le terme de Russie soviétique.

[23La reconnaissance d’un nouvel État nouveau est soit définitive, – on parle d’une reconnaissance de jure (de plein droit) – soit encore provisoire ou limitée – on parlera alors d’une reconnaissance de facto (de fait).
La Grande-Bretagne a reconnu de facto la Russie soviétique en 1921, et de jure en 1924.

[24Les Documents de la Conférence de Gênes, Rome, 1922, 336 pages, p. 221-222.

[25Alexander N. SACK, Les réclamations diplomatiques contre les soviets (1918-1938), Revue de droit international et de législation comparée, p. 321-322.

[26Créée en 1863, le Crédit lyonnais est surtout connu pour le scandale qui a entouré son sauvetage par l’État français fin du siècle passé. En quasi faillite dans les années 1990, suite à la crise de l’immobilier, la banque est nationalisée et recapitalisée avant de passer sous le contrôle du Crédit agricole en 2003. Le sauvetage aura coûté au total 14,7 milliards d’euros à la collectivité.

[27Voir sur le site du sénat français, les ACCORDS RELATIFS AU RÈGLEMENT DÉFINITIF DES CRÉANCES ENTRE LA FRANCE ET LA RUSSIE ANTÉRIEURES AU 9 MAI 1945 http://www.senat.fr/seances/s199712/s19971210/sc19971210010.html

[28Cité par Alexander Nahum Sack. 1927. Les Effets des Transformations des Etats sur leurs Dettes Publiques et Autres Obligations financières, Recueil Sirey, Paris, p. 159.

[29Treaty series, n° 4, 1919, p. 26. Cité par Sack, p. 162.

[30Sebastian Edwards, American Default. The Untold Story of FDR, the Supreme Court, and the Battle over Gold, Princeton University, 2018. Bien sûr, le fait de comparer un stock de dette au PIB est discutable mais comme Sebastian Edwards fait lui-même cette comparaison je la mentionne afin de donner une idée de grandeur. Je précise qu’une partie importante de cette article se base sur la narration que donne Sebastian Edwards.

[31Le prix officiel de l’once d’or fixé à 35 dollars a été en vigueur jusqu’à août 1971 quand le président Richard Nixon a mis fin la convertibilité du dollar en or qui avait été rétablie lors des accords de Bretton Woods en 1944.

[32In all three gold- clause briefs, the Roosevelt administration lawyers forcefully made the point that the gold clause was “contrary to public policy,” a legal term that implies that certain actions, regulations, or contracts are harmful and injure the public and citizens at large. According to the government, the gold clause was inconsistent with our present monetary system.” (Edwards, p. 140).

[33Cité par Sebastian Edwards, dans son introduction p. XIV.

[34Cela s’est poursuivi tout au long des 4 mandats de Roosevelt comme président. F . D. Roosevelt (1882-1945) a présidé les États-Unis de 1933 à 1945, l’année de sa mort intervenue au cours de son quatrième mandat.

[35A la date du 29 mars 1933, 11 878 banques avaient ré-ouvert leurs portes sur un total de 17 349 banques qui étaient opérationnelles avant le 3 mars. Voir Sebastian Edwards, p. 41.

[36The New York Times reported that its “enactment will permit the President to take all powers of currency issue from the Federal Reserve Board, and lodge them exclusively in the government.” (Edwards, p. 115) NYT, “Decision on Gold Reported Reached,” January 1, 1934, p. 4.

[37Après Roosevelt, pendant près de 50 ans, les États-Unis ont vécu avec un taux marginal d’imposition sur les très hauts revenus proche de 80%.

[38“The obligation that the British government undertook in 1917 has been abrogated by an alteration of the law of the land under whose jurisdiction the bonds were issued.” (cité par Edwards p. 98).

[39Sur l’échec de l’expérience grecque en 2015, voir mon livre Capitulation entre adultes. Grèce 2015 : une alternative était possible. Éditions Syllepse, Paris, 2020 http://www.cadtm.org/Le-nouveau-livre-d-Eric-Toussaint-Capitulation-entre-adultes-gratuitement-en

[40EFTA E 16 11, sentence rendue le 28 janvier 2013 – https://eftacourt.int/download/16-11-judgment/?wpdmdl=1260 Eva Joly, Renaud Vivien , « En Islande, les responsables du naufrage bancaire n’ont pas pu acheter leur procès », https://www.cadtm.org/En-Islande-les-responsables-du

[41Voir notamment le point 159, p. 25 du jugement mentionné plus haut. Par ailleurs le point 178, p. 28 dit très clairement que l’Islande n’avait aucune obligation d’indemniser les déposants d’Icesave aux PB et au RU. “ In view of the above, the Court holds that the Directive does not envisage that the defendant itself must ensure payments to depositors in the Icesave branches in the Netherlands and the Un ited Kingdom, in accordance with Articles 7 and 10 of the Directive, in a systemic crisis of the magnitude experienced in Iceland.”

[42Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) Arrêt du tribunal (troisième chambre), 23 mai 2019, https://curia.europa.eu/juris/document/document_print.jsf ;jsessionid=EA4A8B08EF9AD852027BA537FCEC5A7E ?docid=214384&text=&dir=&doclang=FR&part=1&occ=first&mode=DOC&pageIndex=0&cid=6502141

L’auteur remercie Omar Aziki, Brigitte Ponet et Maxime Perriot pour leur relecture.

Eric Toussaint para La Pluma

Edité par María Piedad Ossaba

Traductions disponibles: Español

Source: CADTM, 12 janvier 2023