Un bilan de la patrie empoisonnée qu’est devenue la Colombie

Lo único que no podemos olvidar es que, solo el pueblo salva al pueblo, solo la lucha y movilización popular garantizará el cambio, solo el coraje y digna rabia que anida en la multitudinaria rebeldía juvenil, serán el remedio que pondrá de pie a la república democrática, solo ese sujeto vigoroso y consciente sanará la patria envenenada que nos dejaron.

Patria insomne est un poème émouvant qui raconte la violence et la mort qui décime le Mexique et son peuple depuis des décennies. Avec ce long et beau poème, l’écrivaine mexicaine Carmen Boullosa (2011) pénètre les racines profondes et sanglantes d’une patrie qui semble rester insomniaque face à la violence endémique subie par ses fils et ses filles.

La création littéraire colombienne est redevable à la nation en ruines et à la décadence morale que nous avons héritée des gouvernements oligarchiques qui ont fait du crime politique, de la corruption et du trafic de drogue leurs véritables symboles patriotiques. Elle a été laissée en ruines par des dirigeants dont le seul but était d’ordonner le meurtre, le crime et de s’enrichir grâce au monstrueux appareil d’État dont ils ont fait leur forteresse.

Débora Arango, La Danza, 1948, Museo de Arte Moderno de Medellín. La Danza reflète les problèmes politiques et sociaux de la Colombie jusqu’à aujourd’hui.

Par conséquent, nous n’héritons pas d’une République démocratique fondée sur les droits humains et l’État de droit social, mais d’une nation en ruines. Une horreur pour une nation qui erre sans but, un naufrage au milieu d’eaux troubles, qui mérite, avant que les nouvelles générations ne la remettent sur pied, que ses représentants les plus dignes, le livre de l’histoire des luttes populaires ouvert, composent le poème qui rappelle la patrie empoisonnée que la longue période de domination oligarchique nous a léguée, avec la même intensité, douleur et beauté avec lesquelles Débora Arango l’a immortalisée dans son œuvre.

L’événement historique le plus important que nous ayons vécu, tout compte fait, est peut-être l’éveil de la conscience citoyenne et la rébellion de la jeunesse et du peuple. Au milieu de la tragédie et de la douleur des absents, se distingue la rébellion populaire qui est descendue dans la rue avec une rage digne derrière l’utopie d’une autre vie et d’un autre monde possible ; elle a compris que seul le peuple peut sauver le peuple, et que la lutte populaire est la seule qui garantisse un changement réel sans concessions à ceux qui nous ont légué une nation mourante et ont transformé l’État en narco-État.

C’est un fait incontournable que des millions de personnes ont compris qu’il était politiquement possible, avec une mobilisation populaire, de convertir le potentiel de changement qu’implique la lutte extra-parlementaire en un gigantesque triomphe parlementaire. Un saut qualitatif dans la lutte et la prise de conscience de millions de personnes qui est devenu un facteur déterminant dans l’élection du nouveau gouvernement du Pacte historique et de la Colombie humaine.

Des artistes se produisent lors d’une manifestation contre le gouvernement du président colombien Ivan Duque, au Monumento a los Heroes à Bogota, le 15 mai 2021.

C’est ce soulèvement social qui a créé les conditions pour élire par voie électorale, pour la première fois en Colombie, un président, Gustavo Petro, d’origine non oligarchique, puis un cabinet composé de forces politiques et d’intérêts économiques représentant différentes classes sociales, ce qui signifie que les profondes contradictions sociales resteront en vigueur, tout comme la lutte populaire.

Il est important de noter que le gouvernement PH et CH ne fait que commencer à produire des résultats. La réforme fiscale a été adoptée en faisant des concessions au capital financier. Toutefois, l’augmentation salariale qui a été décrétée est la plus élevée depuis des décennies. Même au milieu de la terreur qu’exerce encore le narco-État dont nous avons hérité, l’accord de paix avec les FARC, qui a échoué, est en train d’être respecté, par exemple sur la question de la restitution et de la livraison des terres aux familles paysannes déplacées et expropriées et du rétablissement des mécanismes et des organes institutionnels pour sa mise en œuvre.

Le gouvernement de l’espoir, bien que nous ne sachions pas pour combien de temps, a lancé les réformes annoncées lors de la campagne. La santé et le travail, où d’une part, les EPS [Entités de promotion de la santé] fonctionnent comme des entreprises privées selon le modèle néolibéral usé et corrompu de privatisation d’un droit universel comme la santé, où une poignée de familles et de capitalistes s’enrichissent sur le budget public.

Et d’autre part, il y a la réforme du travail entreprise par le ministère du Travail, récupérant les droits qui avaient été retirés aux travailleurs au cours des 30 dernières années de gouvernements oligarchiques néolibéraux, un soulagement pour les revenus de millions de salariés.

La réforme promise de la police, des forces armées et de l’ESMAD [Escadrons mobiles anti-émeutes] est, pour l’instant, plus un décorum qu’une réalité.

L’annonce de l’achat d’une flotte d’avions de guerre par la présidence est en effet une contradiction, malgré les déclarations du président selon lesquelles son gouvernement ne dépensera pas un seul peso du budget pour cela, mais que tout sera destiné à l’investissement social dans les plus pauvres, l’éducation et la santé. Si ce n’est pas à ce gouvernement d’assumer l’immense coût des avions de guerre, est-ce que ce sera au prochain gouvernement ? C’est une contradiction dans les termes.

Un gouvernement qui cherche à faire de la Colombie une puissance mondiale par le biais d’une paix totale grandiloquente se contredit s’il persiste dans la course aux armements, peut-être en respectant des accords avec un secteur de l’oligarchie vendue et son allié impérialiste : les USA.

L’engagement pris envers les jeunes de La Primera Línea, pourtant soutenus par des millions de personnes, de les libérer maintenant, précisément ceux qui ont exposé leur vie, comme celle de centaines de personnes assassinées, disparues et torturées lors du dernier bouleversement social, et qui sont aussi la seule sauvegarde du changement, n’a pas été respecté.

Le gouvernement élu par plus de 11 millions de citoyens, qui commence la marche raide et dure, devra faire face aux attaques et aux coups softs (comme ceux de Castillo, Lula, Dilma, CFK) de l’extrême droite et de la narco-oligarchie, décomposés par la défaite politique subie et le premier gouvernement élu avec un vote conscient et populaire en Colombie.

C’est face à ces attaques et à l’offensive lancée par l’extrême droite, l’oligarchie et ses armées de narcotrafiquants et de paramilitaires, qui dispose également d’un allié stratégique qui n’hésite pas à défendre ses intérêts hégémoniques sur le continent, les USA, que le mouvement social et populaire doit se préparer à passer une nouvelle fois des urnes à la rue.

Le Pérou, le Brésil, l’Argentine, l’Équateur, la Bolivie, le Venezuela, Cuba et le Nicaragua ont tous essayé la recette impérialiste bien rodée. Faire des concessions à l’impérialisme usaméricain maintenant que d’autres puissances remettent en cause son hégémonie unipolaire pourrait s’avérer plus coûteux et plus dangereux que ne le croit ce gouvernement.

Débora Arango, La República, aquarelle, 0,77 X 0,57, Museo de Arte Moderno de Medellín. Bien d’intérêt culturel national

La seule chose que nous ne pouvons pas oublier, c’est que seul le peuple peut sauver le peuple, seule la lutte et la mobilisation populaires garantiront le changement, seul le courage et la rage digne qui se nichent dans la rébellion multitudinaire des jeunes seront le remède qui remettra la république démocratique sur pied, seul ce sujet vigoureux et conscient guérira la patrie empoisonnée qu’ils nous ont laissée.

Oto Higuita depuis Stockholm pour La Pluma et Tlaxcala. « Edition spéciale Bilan 2022 »

Original: Un balance sobre la patria envenenada en que convirtieron a Colombia

Traduit par Fausto Giudice

Edité par María Piedad Ossaba