Réinventer le christianisme dans le Sud

La anticipación creativa y la escatología que pregonan el cristianismo radicalizado, aun hoy nos convida a imaginar un mundo de iguales. Tal como sostiene Miguel Mazzeo: la teología de la liberación busca resacralizar el mundo a través de la utopía; agregamos a eso que en América Latina la revolución y la utopía tomaron al cristianismo por asalto

Ce recoin de la vie en société que nous appelons “religion” est probablement l’un des plus “communs” de nos sens latino-américains. Il habite et fréquente la plupart des enfances, impose et fixe un programme moral qui – consciemment ou inconsciemment – est généralement récité à l’âge adulte. Même en tant que mystification fantastique de la vie, le christianisme dans le Sud constitue un fait socio-historique plein de seuils. Dans une large mesure, les années 1960 et 1970 ont incarné un “Dieu” de la foi désincarnée, faisant du christianisme libérateur un vaste mouvement social ; un mouvement encore plus vaste que celui d’un simple courant théologique.

Une composante importante de ce chemin de reconstruction a été la fuite anticléricale du discours scientifique. Cette vision à courte vue de la spiritualité latino-américaine a réduit la discussion du phénomène religieux à la seule logique institutionnelle du catholicisme et du protestantisme. Pour réfuter cela, nous avons choisi d’interroger la dualité de la foi populaire continentale et ses ambiguïtés ; elle n’est pas seulement une forme de légitimation de l’ordre réel, mais aussi une critique qui forge une hégémonie au niveau culturel : penser la place de Dieu en Amérique latine dans la perspective de la théologie de la libération implique de ” se placer ” du côté des opprimés, ce qui est une expérience spirituelle d’approche du ” Jésus ” de la foi (foi historique et contextualisée).

La prise de conscience sociale des chrétiens vers la fin du XXe siècle a donné naissance à un vaste mouvement œcuménique qui a réorganisé cette dimension de la foi dans de petits espaces sociopolitiques de base, sans abandonner le mysticisme et l’héritage spirituel d’un parcours chargé de liturgie.  Ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de théologies de la libération (au pluriel) n’est rien d’autre qu’une réinvention dense de l’horizon des croyances religieuses dans Notre Amérique. En termes épistémologiques, nous parlons des implications théoriques qui surgissent lorsque le théologien/croyant est engagé dans la praxis ; au niveau théologique, nous nous référons à la discussion sur la nature de la valeur évangélique et, surtout, au niveau pragmatique, nous nous occupons de la conception dialectique entre les pratiques personnelles et la structure sociale (ce que les théologiens de la libération appelaient “orthopraxie”).

Or, existe-t-il des éléments qui nous permettent de retracer ce christianisme qui, depuis tant de décennies, est enclin à défendre le statu quo, en violant la mystique primitive du mouvement de Jésus ? La première chose à dire est qu’il a toujours existé, dans cet espace liturgique, différents points de vue sur les conditions de vie des classes populaires. Néanmoins, durant la période de radicalisation politique à laquelle nous nous référons, certains éléments d’une théologie libératrice peuvent être identifiés, parmi lesquels : l’accusation morale et sociale contre le capitalisme en tant que forme de péché structurel, l’utilisation d’instruments marxistes pour comprendre les causes de la pauvreté, les contradictions du capitalisme et les formes de la lutte des classes, ainsi que l’option préférentielle en faveur des pauvres et la solidarité avec leur lutte pour l’émancipation sociale.

Ce processus religieux et politique a permis un lien entre le christianisme et le marxisme, surtout avec ce sentiment latino-américain du moule gramscien. Dans sa récupération de l’immanentisme marxiste, la théologie de la libération a complété ses efforts dans l’extension pédagogique d’une nouvelle culture anticapitaliste, qui a promu la condition d’hommes et de femmes nouveaux. C’est pourquoi la capillarisation des communautés chrétiennes de base parmi les exclus d’Amérique a donné naissance à une nouvelle forme d’Église, tout en consolidant une alternative à l’individualisme capitaliste. En tout cas, il s’agissait de produire une ” théorie de la révolution ” comme conséquence d’une pratique pastorale d’en bas : si la religion est l’idéologie la plus profondément enracinée dans le sens commun, le christianisme libérateur a été l’unité que l’église du peuple a réalisée entre ses intellectuels et les masses.

Un grand nombre de mouvements sociaux populaires en Amérique latine ont leurs racines les plus profondes dans le christianisme libérateur : les Sans Terre au Brésil, le néo-zapatisme au Mexique, les expériences d’éducation populaire partout, les collectifs urbains, les espaces œcuméniques de base, les mouvements paysans dans le Cône Sud, parmi beaucoup d’autres pratiques populaires.

La religion du christianisme libérateur a libéré l’hégémonie du dogmatisme ecclésiastique et remis en question la rationalité bourgeoise qui sous-estimait le culte des classes subalternes. Cela s’explique peut-être en partie par le fait que la dimension utopique de ce christianisme est entrée en dialogue avec la seconde modernité et que son régnocentrisme a proposé de penser davantage aux pauvres, aux problèmes des ouvriers, des paysans et des sujets exclus plutôt que de se contenter de relater l’indolence des églises officielles.

L’anticipation créative et l’eschatologie proclamées par le christianisme radicalisé nous invitent encore aujourd’hui à imaginer un monde d’égaux. Comme l’affirme Miguel Mazzeo : la théologie de la libération cherche à resacraliser le monde par l’utopie ; ajoutons à cela qu’en Amérique latine, la révolution et l’utopie ont pris d’assaut le christianisme. La projection “ici et maintenant” d’hommes et de femmes nouveaux, la tentative de penser au-delà du donné reste l’une des matrices de notre pensée et de notre praxis américaines. J’espère, au moins dans l’année qui vient, reprendre ce chemin du christianisme libérateur et réinventer notre Sud.

Oscar Soto pour La Pluma et Tlaxcala. « Edition spéciale Bilan 2022»

Original: Reinventar el cristianismo en el sur

Traduit par Fausto Giudice

Edité par María Piedad Ossaba