5 questions à Fausto Giudice, auteur de « Joe Hill, in memoriam »

“Erga Omnes”, “Pour tous”, était la devise des esclaves révoltés sous la direction de Spartacus qui mirent en danger la République romaine entre 73 et 71 av. J-C. Cette collection entend publier des livres sur des grandes figures, parfois oubliées, des révolte logiques à travers les siècles.

Comment as-tu découvert Joe Hill ?

J’étais un jeune immigré dans la Suède de la fin des années 60. C’était les « années dorées » de la social-démocratie régnante, qui déclarait toute dissidence comme « déviance », à traiter par la psychiatrie. Je m’identifiais aux « damnés de la terre » et je trouvais la morale régnante luthérienne d’une hypocrisie incomparable. Ceux qui disaient vouloir le bien du peuple avaient réécrit l’histoire, effaçant « l’autre mouvement ouvrier », qui avait combattu le capital par des moyens tout sauf pacifiques. Joe Hill était une figure légendaire de cet « autre mouvement ouvrier ». En 1970, je me suis retrouvé avec quelques centaines de marginaux comme figurant dans le film tourné par Bo Widerberg sur Joe Hill, dans les quartiers sud de Stockholm. De lui je ne connaissais jusqu’alors que la chanson chantée par Joan Baez à Woodstock. Joe Hill me disait que la classe ouvrière suédoise n’avait pas toujours été ce pachyderme pacifique de la représentation social-démocrate. Et j’ai découvert Anton Nilsson, « l’homme de l’Amalthea ». Ce travailleur de 21 ans avait, avec 2 camarades, posé une bombe près d’un bateau appelé Amalthea, amarré à Malmö, qui hébergeait des briseurs de grève britanniques importés par les patrons contre une grève de dockers, en 1908. Condamné à mort, Anton Nilsson a vu sa peine commuée en prison à vie suite à une campagne internationale, menée en particulier par les International Workers of the World, le syndicat où Joe Hill militait aux USA.

Joe Hill in memoriam: vie et mort d’un héros de la classe ouvirère, un livre de Fausto Giudice

Que nous dit Joe Hill aujourd’hui ?

Il nous dit essentiellement deux choses : 1- on peut organiser les plus exploités, les plus opprimés d’une manière intelligente et efficace en adaptant les formes d’organisation à la réalité sociale de ceux « d’en bas », les migrants, les femmes, les précaires, les non-qualifiés, ce que les IWW ont fait, en évitant toute forme de bureaucratie de type social-démocrate. L’ « autre mouvement ouvrier », c’est ça, à l’opposé des appareils du genre DGB, AFL-CIO ou LO : un mouvement collant à la réalité de la classe, qui est mobile, fluide, changeante. 2- on peut inventer des formes de communication populaires, créatives, percutantes et pleines d’humour. Les chansons de Joe Hill en sont un magnifique exemple.

Y a-t-il des Joe Hill aujourd’hui ?

Pas à ma connaissance. Certain·es rappeur·es pourraient l‘être, s’ils choisissaient de chanter avec et pour les travailleur·ses qui s’organisent chez Amazon, McDonalds, Starbucks, Deliveroo, Uber et toutes les entreprises du « nouveau capitalisme », qui n’a de nouveau que ses formes.

Qu’auraient fait Joe Hill et l’IWW aujourd’hui ?

Ils auraient organisé les « autres » travailleur·ses en marchant sur deux jambes : le contact physique et virtuel. C’est ce qui se passe en Chine par exemple, où les jeunes travailleur·ses des usines-monde, n’ayant pas de syndicat pour les défendre, utilisent les médias sociaux pour revendiquer et s’organiser.

Pourquoi la collection “Erga Omnes”?

“Erga Omnes”, “Pour tous”, était la devise des esclaves révoltés sous la direction de Spartacus qui mirent en danger la République romaine entre 73 et 71 av. J-C. Cette collection entend publier des livres sur des grandes figures, parfois oubliées, des révolte logiques à travers les siècles.

Milena Rampoldi

Traductions disponibles: Español, Deutsch,  Italian

Edité par María Piedad Ossaba