Il condottiero…

De leur côté, les pays de l’Union européenne affirment, les uns après les autres, qu’il n’y a pas d’argent pour les écoles, pas d’argent pour les hôpitaux, pas même d’argent pour les investissements. Alors, ils font comme la France : ils dansent sur la musique des investisseurs étrangers et baissent leur froc…

Cela fait maintenant plus de 60 ans que j’ai fréquenté le Liceo Neandro Schilling à San Fernando. Je ne l’ai jamais oublié, car il a été pour moi – et il l’est toujours – la meilleure preuve de l’excellence de l’enseignement public, laïque et gratuit. Un must.

En écoutant des opéras, un air de Boris Godounov est apparu, et je me suis souvenu que M. Benavides, notre professeur de musique, nous avait parlé de Moussorgski, ainsi que de Rimski-Korsakov et d’autres compositeurs russes.

Ma belle professeure de français avait la gentillesse d’inviter chez elle deux ou trois de ses élèves, dont moi, et de nous faire écouter La vie en rose et Je ne regrette rien de la voix d’Édith Piaf. A cette époque, il n’était pas courant d’avoir un “tourne-disques”. Loin de moi l’idée que, grâce à la dictature et à ses crimes, je finirais par m’ancrer à Paris.

Don Heriberto Soto, professeur d’histoire, a abordé le sujet du Moyen-Âge européen et a évoqué les condottieri. Les quoi ? Au Moyen Âge, un condottiero était un aventurier, un chef de soldats mercenaires mis au service de ceux qui avaient les moyens de les payer. Les mercenaires ont joué un rôle important au service des empires tout au long de l’histoire.

La créativité règne en maître sur le terrain. Les tirailleurs sénégalais étaient des troupes d’infanterie coloniales françaises recrutées en Afrique subsaharienne. Les premiers soldats noirs au service de la France étaient d’anciens esclaves de confiance – les “laptots” – recrutés au XVIIIe siècle pour assurer la sécurité des navires de la Compagnie générale des Indes, qui faisait commerce avec l’Afrique. Mercenaires et affaires allaient souvent de pair.

Les USA en savent quelque chose. Le coût des guerres perdues – Vietnam, Irak, Afghanistan… – est stupéfiant. Plus de 8 000 milliards de dollars pour les guerres au Moyen-Orient après les attentats contre les tours jumelles le 11 septembre 2001, conflits qui ont fait environ 900 000 morts (Watson Institute of Public and International Affairs – Brown University – Boston).

Les USA ont donc renforcé l’OTAN, dont Mon Général disait qu’elle n’était qu’un masque derrière lequel l’Empire cachait sa domination et ses desseins. De Gaulle avait raison. Au fur et à mesure que l’Empire se rétrécit, l’OTAN s’étend. Première cible : la Russie.

Comme vous le savez, la Russie est désormais capitaliste. La querelle usaméricaine ne porte pas sur l’idéologie, mais sur le contrôle de la planète. Le premier objectif était d’encercler la Russie par l’OTAN : tous les pays voisins devaient adhérer à l’Alliance, acheter des armements aux USA, oublier l’industrie européenne de l’armement et obéir.

La Russie a prévenu que mettre en péril ce qu’elle considère comme sa sécurité conduirait à des problèmes, mais c’est tombé dans des oreilles de sourds. Les USA, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France et d’autres membres de l’UE ont participé aux manœuvres. Angela Merkel a reconnu que les accords de Minsk, censés mettre fin à l’agression ukrainienne contre deux provinces russophones, n’étaient rien d’autre qu’un prétexte pour armer les fous de Kiev : les mercenaires.

Si, en Europe, la plupart des dirigeants politiques se sont reconvertis en clowns, les USA ont trouvé à Kiev un clown dont ils ont fait un condottiere : Volodymyr Zelinsky.

À l’échelle historique, les sociaux-démocrates allemands Bernstein et Kautsky, qui ont trahi la cause des peuples, sont de vieux godillots comparés à des contemporains comme Tony Blair, Felipe Gonzalez, Josep Borrell et Jens Stoltenberg. Ces deux derniers méritent une reconnaissance particulière : Jens Stoltenberg est secrétaire général de l’OTAN et Josep Borrell secrétaire aux Affaires étrangères de l’Union européenne. Tous deux comptent parmi les promoteurs les plus enthousiastes de la guerre en Ukraine.

Dit comme ça, ça ne veut rien dire. Mais il faut savoir qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’“aide” militaire usaméricaine à Kiev s’élève à plus de 73 milliards de dollars. Pour leur part, les pays de l’UE ont apporté une “aide” de l’ordre de 65 milliards d’euros supplémentaires.

Les USA sont aux prises avec une dette publique qui a atteint son plafond – 31 000 milliards de dollars – et qui constitue un danger de déstabilisation de l’économie du monde entier. Le Congrès usaméricain doit voter pour augmenter le niveau de la dette fédérale, une procédure utilisée 78 fois depuis les années 1960, souvent sans débat. Le risque est que les USA se retrouvent en défaut de paiement le 1er juin. Cette fois, les Républicains ne semblent pas prêts à donner plus de mou à Mister Biden.

De leur côté, les pays de l’Union européenne affirment, les uns après les autres, qu’il n’y a pas d’argent pour les écoles, pas d’argent pour les hôpitaux, pas même d’argent pour les investissements. Alors, ils font comme la France : ils dansent sur la musique des investisseurs étrangers et baissent leur froc...

Pendant ce temps, le clown transformé en condottiero parcourt l’Europe pour demander des armes, des avions de chasse, des missiles et tout ce qui lui passe par la tête, tout en cachant dans d’autres pays le bakchich qu’il prend chaque fois que Kiev reçoit de l’argent.

L’objectif immédiat des USA est de soumettre la Russie, puis la Chine.

C’est pour ça qu’ils utilisent ces condottieri….

Cimetière d’Irpin, Ukraine, avril 2022. Photo Zohra Bensemra / REUTERS

Luis Casado

Original: Il condottiero…

Traduit par Fausto Giudice,

Source : Tlaxcala, le 15 mai 2023