2022, l’année du réveil de la classe ouvrière aux USA

Il est difficile de prévoir comment les travailleur·ses usaméricain·es réagiront à l’aggravation de la crise économique et de la guerre. Pour ceux d’entre nous qui, aux USA, méprisent la guerre, l’impérialisme et toute exploitation capitaliste, il n’y a pas d’autre choix que d’encourager la nouvelle combativité parmi les travailleurs et d’aider à construire la solidarité parmi l’ensemble de la classe ouvrière.

En 2022, la classe ouvrière des USA s’est mise en mouvement. Les magasiniers d’Amazon, les baristas de Starbucks, les prisonniers, les mineurs de charbon, les infirmières, les enseignants, les étudiants diplômés se sont organisé·es. Certain·es se sont mis·es en grève.

Infirmières en lutte, New York, décembre 2022

Verrons-nous en 2023 des affrontements toujours plus vifs entre les travailleur·ses des USA et la classe dirigeante impérialiste ? N’oubliez pas que ces propriétaires milliardaires des monopoles et des banques basés aux USA dominent toujours le dollar, les armes et la parole. Leurs politiciens, les bureaucrates et les généraux qui les servent contrôlent le Trésor, le Pentagone et la police. Leurs valets des médias et leurs intellectuels achetés manient la machine de propagande la plus efficace de l’histoire.

Que les travailleurs dans le ventre de la bête puissent mener une guerre de classe semble impossible. Pourtant, en 2022, des luttes de classe ont eu lieu, du jamais vu depuis des décennies. L’opinion publique est plus favorable aux syndicats qu’au cours du dernier demi-siècle. L’humeur à la confrontation a augmenté à mesure que la vie des gens devenait moins stable.

En août, un sondage Gallup a montré que 71 % de la population approuvait les syndicats. Ce chiffre est en hausse par rapport aux 48 % enregistrés en 2008. C’est le taux le plus élevé depuis 1965, lorsque plus de 30 % des travailleur·ses étaient syndiqués (contre environ 10 % aujourd’hui). Et ce, malgré une propagande antisyndicale constante au cours de ce même demi-siècle.

Les jeunes, les travailleurs marginalisés

Le 1er janvier 2022, il n’y avait qu’un seul café Starbucks syndiqué – à Buffalo, New York. Le 9 décembre 2022, il y avait près de 270 magasins dont les travailleurs approuvaient les syndicats. L’Amazon Labor Union a remporté une victoire historique en syndiquant le premier entrepôt Amazon aux USA le 1er avril à Staten Island, dans l’État de New York. L’ALU a mené une impressionnante campagne multilingue et multiculturelle qui a permis de toucher tous les travailleurs et d’en rallier plus de la moitié au syndicat. Dans ces deux monopoles antisyndicaux, les jeunes travailleur·ses prédominent, la plupart n’ayant jamais été syndiqués auparavant.

Le centre de distribution d’Amazon à Staten Island, New York.. Victoire historique pour le premier syndicat chez Amazon aux États-Unis

L’énorme population carcérale usaméricaine est encore plus marginalisée. Pourtant, en Alabama, 25 000 personnes incarcérées, majoritairement noires, dans 17 prisons distinctes, ont cessé le travail travail en signe de protestation du 26 septembre au 2 octobre. Elles ont dénoncé les conditions meurtrières dans les prisons, où elles sont forcées de travailler. Dans leurs lettres de l’intérieur, les organisateurs signent “les esclaves de l’Alabama” et déclarent que la grève est “une protestation contre le maintien de l’institution du néo-esclavage” (tinyurl.com/2bk43x3a).

Les droits de l’homme ne sont pas facultatifs #Prison Lives Mather Les prisons de l’Alabama sont des camps de concentration. Des manifestants sont solidaires des grévistes des prisons devant le département correctionnel de l’Alabama à Montgomery. (Twitter/@MadeInNovemberX)

À l’automne 2022, plus de 18 000 travailleur·ses de l’éducation se sont battus soit pour un syndicat, soit pour de meilleurs contrats. Parmi eux·elles, des étudiant·es diplômé·es de l’université de Californie, de l’université de Boston, de Northwestern, du Massachusetts Institute of Technology, de l’université d’Alaska et de Yale. À la New School, un établissement d’enseignement supérieur de la ville de New York, les enseignant·es vacataires ont mené une grève de trois semaines et ont obtenu un contrat ainsi que des arriérés de salaire substantiels. Les enseignant·es vacataires ne bénéficient d’aucune sécurité d’emploi ni d’aucune protection et, comme les étudiants diplômés, ils·elles sont les travailleur·ses les plus exploité·es des grandes universités.

Plus de 3 000 membres de la Boston University Graduate Workers Union (BUGWU) ont célébré la victoire électorale de leur syndicat à 98,1 % le 7 décembre. Certains chercheurs en droit du travail ont qualifié le vote de 1 414 voix contre 28 de “victoire électorale la plus déséquilibrée jamais remportée par une unité de négociation [de] plus de 1 000 personnes auprès du NLRB”. (Aux USA, pour former un syndicat, les travailleur·ses doivent remporter un vote géré par le National Labor Relations Board).

Les syndicats traditionnels

L’esprit de lutte s’est étendu des personnes non syndiquées aux travailleur·ses déjà syndiqué·es. Les infirmières syndiquées, membres de l’Association des infirmières de l’État de New York, en font partie. Leurs dirigeants syndicaux leur ont demandé d’autoriser une grève contre les hôpitaux privés de New York. Par ce vote, ils s’engagent à faire grève si le contrat existant expire avant qu’ils ne parviennent à un accord avec la direction de l’hôpital. Ce 22 décembre, environ 14 000 des 17 000 infirmières de la NYSNA avaient déjà fini de voter. Quelque 98,8 % ont voté pour autoriser la grève. Ce vote quasi unanime est sans précédent. Mais les infirmières ont été particulièrement touchées par l’épidémie de COVID-19 et d’autres épidémies, les hôpitaux ont réduit le personnel pour économiser sur les salaires, et les infirmières ont été contraintes de travailler dur pendant de longues heures, dans des conditions dangereuses pour elles et pour les patients. Aujourd’hui, les infirmières sont en colère, unies, et croient qu’elles peuvent gagner.

Les cheminots de tous les métiers ont été mis au pied du mur par les patrons des chemins de fer, et leurs nombreux syndicats sont au bord de la grève. Il s’agit des trains de marchandises, qui transportent d’énormes quantités de marchandises sur de grandes distances. Les travailleurs transportent la même quantité de marchandises qu’en 1990 avec environ un tiers de la main-d’œuvre. Cela génère d’énormes profits pour les propriétaires. Les trains de marchandises sont composés de centaines de wagons. Seuls deux machinistes copilotent les mégatrains. Les patrons veulent réduire ce nombre à un seul, une mesure dangereuse. En plus de cela, les cheminots n’ont pas de congés maladie.

Des locomotives de Norfolk Southern travaillent au terminal de Conway, le 15 septembre 2022, à Conway, en Pennsylvanie. Joe Biden promulgue une loi pour bloquer une grève du rail.

Les cheminots font rarement grève. Une loi fédérale permet au gouvernement d’intervenir pour arrêter les grèves. Il l’a fait dans le passé. Le transport de marchandises est essentiel à l’économie nationale. Ce 30 novembre, l’administration de Joe Biden a forcé les syndicats à mettre fin à la grève. Biden et le Congrès démocrate n’ont accordé aucun congé de maladie supplémentaire. Les démocrates prétendent être pro-travail. L’action anti-ouvrière de Biden a révélé le rôle du président et du parti démocrate en tant qu’ennemis de la classe ouvrière, tout comme les républicains.

Le moment de vérité

La perspective d’un soulèvement des travailleurs se heurte encore à de nombreux obstacles. Les entreprises se sont déjà opposées farouchement aux travailleurs par un démantèlement brutal des syndicats. Elles harcèlent les travailleurs, en licencient certains, intentent des procès contre les syndicats. Les propriétaires et investisseurs capitalistes cherchent désespérément à accumuler plus de profits dans un système en crise perpétuelle. Et les travailleurs font face à un gouvernement qui est en guerre, alimentant en armes une guerre par procuration contre la Russie en Ukraine et envoyant des navires de guerre vers les côtes de la Chine. Peu d’armes sont plus efficaces pour combattre la solidarité des travailleurs qu’une campagne de propagande patriotique.

Il est difficile de prévoir comment les travailleur·ses usaméricain·es réagiront à l’aggravation de la crise économique et de la guerre. Pour ceux d’entre nous qui, aux USA, méprisent la guerre, l’impérialisme et toute exploitation capitaliste, il n’y a pas d’autre choix que d’encourager la nouvelle combativité parmi les travailleurs et d’aider à construire la solidarité parmi l’ensemble de la classe ouvrière.

John Catalinotto pour La Pluma et Tlaxcala. « Edition spéciale Bilan 2022 »

Original:  2022, the year when the working class in the USA woke up

Traduit par Fausto Giudice

Edité par María Piedad Ossaba

Traductions disponibles: Español