Les recherches ont permis de découvrir la manière dont Kafka écrivait, ses structures, ses crises créatives, ses relations difficiles avec les femmes (comme, par exemple, Felice Bauer), pourquoi il cryptait ses histoires… Kafka était un être fait de littérature, qu’il considérait comme sa religion, son nombril au monde. Pour l’écrivain, la vie et la littérature étaient une seule et même chose. Kafka était la littérature en soi.
« Pour Kafka, la vie était une aventure littéraire et, comme Don Quichotte, il partait vivre les aventures qu’il avait lues pour, une fois qu’il les avait vécues, les réécrire », souligne Sánchez dans une autre section de l’introduction susmentionnée. C’est à ce chercheur de Medellín, qui vit aujourd’hui dans le village de Santa Elena, que nous devons la première édition complète, ordonnée comme son auteur l’a conçue, du Procès. Nous savons tous que Max Brod, ami et exécuteur testamentaire de l’écrivain tchèque, n’a pas brûlé les manuscrits et a désobéi aux ordres kafkaïens supposés. Il a d’abord publié Le procès, sans pouvoir déchiffrer l’ordre du roman.
Après sa découverte phénoménale, Guillermo Sánchez a connu plusieurs déboires avec les éditeurs, avec les droits d’auteur (ils l’ont “assommé” avec ceux-ci, dit-il), avec des rancœurs ici et là. En Europe, il est passé inaperçu, personne ne s’est soucié de son travail de titan, et dans ces zones torrides, il était comme « un chien dans un jeu de quilles». Après diverses péripéties, il y a trois ou quatre mois, il a publié, de sa poche, la “version complète et ordonnée” du Procès de Franz Kafka, conformément au projet initial de l’écrivain. Quelques exemplaires, presque tous “pour des amis”.
D’une certaine manière, le destin de ce chercheur obstiné a été kafkaïen. Pendant près de 100 ans, le roman n’a pas pu être publié tel que son auteur l’avait conçu et imaginé. Et ce n’est que maintenant que le mystère est éclairci. Il s’agit d’une édition de référence « qui ouvrira les portes du labyrinthe kafkaïen au présent hermétique et fera éclore sous un jour nouveau les études sur l’œuvre et la vie de l’auteur », écrit Sánchez. Cependant, selon Sánchez, d’autres portes lui ont été fermées dans ses tentatives de faire connaître ses recherches exigeantes, ainsi que ses atouts et ses connaissances.
C’est, pourrait-on spéculer, comme si Kafka, depuis d’autres sphères, avait lancé une sorte de malédiction parce qu’un Colombien agité a déchiffré ce qu’aucun Européen ou chercheur d’où que ce soit n’a pu découvrir.
Reinaldo Spitaletta
Original: La maldición kafkiana
Lo que descubrió Guillermo Sánchez Trujillo
Traduit par Fausto Giudice