2031
Une dystopie covidienne

L’ingénieux vaccin – originellement conçu pour lutter contre le cancer – réussissait à tromper le système immunitaire, mais pas ce satané virus.

Luis Casado nous offre une substantifique dystopie. Comme on sait, une dystopie est une représentation fictive d’une société future aux caractéristiques négatives, qui  causent l’aliénation humaine. Ce qui n’est pas évident, c’est qu’elle soit fictive…

 Photo de Jon Sailer, sur Unsplashed

Fatigué, décidément écœuré, il éteignit la télévision, de mauvaise humeur.

Le Ministre de la Santé avait fait tout son possible pour récupérer un peu de la crédibilité perdue depuis des lustres, sauf annoncer une date prévisible pour commencer à réduire les nombreuses restrictions imposées tout au long de plus d’une décennie dans le but louable de limiter le nombre des contagions. Il se rappela avec nostalgie l’époque bénie du virus originel, – il faudrait plutôt parler de sa première version -, celui qui avait été détecté, fin 2019, à Wuhan, déclenchant l’acrimonie de Donald Trump, qui n’avait pas arrêté de l’appeler « le virus chinois ».

Dès lors, grâce à l’extraordinaire propension à muter de la petite bête, il n’y avait plus de place pour la jalousie ou l’envie : chaque coin de la planète avait généré son variant, plus ou moins agressif – plutôt plus que moins -, finissant par échapper aux ingénieux mécanismes des nombreux vaccins qui continuaient à faire la fortune d’une poignée de laboratoires.

Une ONG signala la ressemblance entre le comportement des vaccins et celui des produits conçus pour comporter une obsolescence programmée : à peine la Food and Drug Administration (FDA) avait-elle approuvé un nouveau vaccin, l’US Department of Health and Human Services acheté des milliers de millions de doses pour vacciner les plus de 330 millions d’USaméricains, les services correspondants lancé d’abasourdissantes campagnes de vaccination façon Blitzkrieg, dûment dramatisées par les chaînes de télévision de tout le pays, et le Ministre de la Santé – rarement le Président – comparu devant les médias pour annoncer la bonne nouvelle, qu’apparaissait un énième variant du virus qui obligeait à tout recommencer à zéro.

Église covidienne
du dix-neuvième Jour
le COVID vit en toi
Commandements
tu craindras le virus sur toutes choses
tu ne douteras pas de la pandémie
tu éviteras les fêtes
tu t’éloigneras de ton père et de ta mère
tu ne te socialiseras pas
tu ne salueras pas en serrant la main
tu n’embrasseras pas ton prochain
tu ne sortiras pas sans muselière
tu n’admettras aucun manquement aux normes
tu te laveras les mains avec du gel hydroalcoolique en entrant et en sortant de la maison d’autrui

On ne pouvait différencier, en la matière, les vaccins classiques, fabriqués à partir d’un virus atténué ou inactif, des vaccins à ARN-messager les plus sophistiqués, qui transmettent à l’organisme un code génétique pour que le système immunitaire fabrique lui-même les protéines nécessaires : le vaccin ARN-m ordonne aux cellules de fabriquer le spicule du coronavirus. Inoffensif en lui-même, le spicule donne à la bestiole son apparence de couronne. Le système immunitaire croit que le virus est là, et se met à fabriquer des anticorps pour se protéger. L’ingénieux vaccin – originellement conçu pour lutter contre le cancer – réussissait à tromper le système immunitaire, mais pas ce satané virus.

Lorsqu’un journaliste quelque peu bêta – bref, un journaliste – montra un micron d’autonomie intellectuelle en comparant les vaccins au coyote et le virus à Bip Bip, sa condamnation définitive au plus impitoyable ostracisme ne prit pas plus de temps qu’il n’en fallut au Ministre de la Santé pour appeler le patron de la chaîne de télévision. On ne parlait plus d’utilisation massive des antiviraux : depuis le tristement célèbre Remdésivir, ils avaient démontré non seulement leur inutilité et leur terrible toxicité, mais aussi leur incroyable capacité mutagène, ce qui, en bon français, veut dire qu’ils stimulent admirablement la capacité du virus à se dissimuler sous des affûtiaux de plus en plus élaborés et difficiles à détecter.

L’Union Européenne qui, en un Beau Geste manifestement inégalable, avait acheté mille millions d’euros de Remdésivir destinés à prouver aux USA  sa qualité d’allié indéfectible, adjugea à un consortium basé dans des paradis fiscaux la tâche d’enterrer les caisses de Remdésivir sous des tonnes de résidus nucléaires que personne ne pourrait remuer jusque dans quelques centaines de milliers d’années. La Nouvelle-Zélande et le Vietnam, de même que la Chine, avaient réussi à dompter l’épidémie grâce à des protocoles extrêmement stricts que les autres pays n’avaient pas jugé bon d’imiter en raison du caractère autoritaire de ces régimes (la Nouvelle-Zélande, une petite île au diable vauvert, ne comptant pas dans ces raisonnements).

Protégeant, au prix de la vie de millions d’êtres humains, la précieuse démocratie qui trouvait en eux – les hommes politiques – ses plus irréductibles défenseurs, ils avaient défini et imposé des règles qui permettaient de continuer à se contaminer et à mourir en accord avec les règles. Les Banques Centrales, dont personne n’avait osé mettre en question l’indépendance de puis l’époque lumineuse du Consensus de Washington, reçurent sans moufter l’ordre d’émettre les dollars et euros nécessaires pour continuer à acheter de nouvelles générations de vaccins dont la vie utile se comptait en semaines.

Un projet de loi envoyé au Parlement Européen avait pour but de faciliter le processus en éliminant des démarches ennuyeuses et de fastidieuses bureaucraties – en plus d’épargner à l’Europe des allées et venues sans fin entre pays membres, surtout entre l’Allemagne et l’Allemagne – grâce à l’ingénieuse, judicieuse et inédite méthode consistant à faire du représentant de l’Association of Global Laboratories (AGL) le président en exercice de la Banque Centrale Européenne (BCE).

Cette mesure avait déjà été mise en pratique aux USA , avec d’excellents résultats, comme il ressort des rapports publiés par le Président de la FED lui-même, prêt à se sacrifier pour la santé de l’Humanité en assumant simultanément la présidence de la BCE. Le seul minuscule grain de sable qui avait systématiquement perturbé l’excellente gestion de la crise sanitaire globale, ou worldwide pandémie, comme on disait en Amérique du Sud, c’était l’augmentation constante des taux de contamination.

Bien que la France, l’Espagne, l’Italie, l’Australie, le Chili et l’Argentine et autres grands producteurs vinicoles aient transformé leur agro-industrie pour la consacrer exclusivement à la fabrication de gel hydroalcoolique, et alors que flottaient déjà sur les océans des millions de tonnes de masques mis au rebut sur les six continents et que ce flux ne cessait d’augmenter, les chiffres concernant les contaminations montaient, montaient, que c’en était un vrai bonheur.

Les capacités hospitalières – là où elles existaient ou avaient existé – étaient saturées depuis bien des lunes, l’industrie des ambulances Uber s’était développée de façon exponentielle, jusqu’à ce qu’elle se mit à décliner et entra en crise du fait qu’il n’y avait nulle part où emmener les « Corona », la population mondiale connaissait une décroissance significative qui faisait craindre pour la demande agrégée et la consommation d’essence, à tel point que les experts pronostiquaient une faible augmentation du PIB et aucune perspective d’un retour à un taux d’inflation indiquant une bonne santé..

Pour comble de maux, les premiers exo-terriens ou néo-martiens, qui avaient débarqué depuis peu sur la planète rouge, découvrirent avec horreur qu’ils apportaient avec eux une souche virulente de type SARS-CoV, qu’un scénariste hollywoodien eut la bonne idée de baptiser Alien…

Fatigué, décidément écœuré, il éteignit la télévision, de mauvaise humeur.

Luis Casado

Original: 2031

Traduit par  Rosa Llorens Ρόζα Λιώρενς

Source: Tlaxcala, le 21 mars 2021

http://tlaxcala-int.org/upload/gal_21691.jpg