Sahara occidental : la guerre du silence complice

Est-il vraiment en train de dire au peuple sahraoui qu’il se moque de lui, aujourd’hui comme hier ?

Combien de morts faut-il pour que la société et ses moyens de désinformation réagissent, ou alors savent-ils fort bien que si la guerre est reconnue, l’ONU ne pourra plus fermer les yeux ?

Il y a deux mois, le Maroc est intervenu militairement contre des civils sahraouis qui manifestaient au grand jour au passage illégal de Guerguerat, à la pointe sud du Sahara occidental. Les Sahraouis, las d’en avoir marre, ont répondu à cette intervention en déclarant rompue la trêve instaurée en 1991, quand l’ONU a promis un référendum d’autodétermination qui, 30 ans plus tard, n’a toujours pas eu lieu, en raison de l’obstruction constante du Maroc et de ses alliés. Parmi lesquels nous comptons, à notre grande honte, notre gouvernement d’Espagne.

Deux mois durant lesquels les batteries de la RASD ont frappé les postes militaires illégaux du Maroc de l’autre côté du mur de la honte et de l’oubli. Mais le Maroc a acheté un épais mur de silence dans les médias du monde entier, y compris les nôtres, à quelques exceptions près.

Il est plus que probable que ces bombardements ont fait des morts et des blessés, qui pour des raisons politiques, ont été cachés. Morts sans même la consolation d’être publiquement valorisés, morts honteusement anonymes ou « anonymisés » par leur famille.

Combien de morts faut-il pour que la société et ses moyens de désinformation réagissent, ou alors savent-ils fort bien que si la guerre est reconnue, l’ONU ne pourra plus fermer les yeux ? Les Sahraouis ont combattu par la non-violence d’Aminetu : en vain. Ils combattent maintenant par des bombardements chirurgicaux, exclusivement militaires : sans résultat. Que tente-t-on de forcer le Front Polisario à faire ? Une incursion désespérée et ouverte afin de compter ses propres morts ? Des martyrs ?

Non. L’ONU doit réagir maintenant, sans délai, pour éviter un bain de sang. Derrière chaque mort, il y a des veuves et des orphelins, des souffrances, des douleurs sans fin. Et notre gouvernement, bien sûr. Combien de temps va-t-il attendre pour faire ce que l’histoire et la décence l’obligent à faire ? Est-ce ou non un gouvernement de retour ? De combien d’éclaboussures de sang a-t-il besoin pour assumer sa propre responsabilité, sa supposée essence ? Est-il vraiment en train de dire au peuple sahraoui qu’il se moque de lui, aujourd’hui comme hier ? Se rend-il compte qu’il est complice d’un régime féodal et dictatorial, que si celui-ci finit par triompher, ce sera un génocide, que son inaction pourrait provoquer la mort de tout un peuple, d’une identité, d’une culture unique ? Sait-il que nous, les Espagnols de bien, nous aimons ce peuple, que nous ne le sortons pas de notre cœur même pour dormir, que nous ne pourrons jamais pardonner son abandon, qu’il nous fait mâcher du sable, qu’il nous rend tous plus tristes, plus amers et même coresponsables de ce martyre ?

Tout cela dit sans grand espoir, mais sans désespoir.

Gonzalo Moure Trenor

Original: Sáhara Occidental: La guerra del silencio cómplice

Source: Tlaxcala, le 18 janvier 2021

Traductions disponibles : Deutsch 

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