À Puerto Rico : la population dans la rue contre le sexisme, l’homophobie, l’austérité et la corruption

Un scandale politique a éclaté récemment à Puerto Rico qui a poussé la population à descendre dans la rue pour des manifestations rassemblant plusieurs milliers de personnes autour d’un mot d’ordre : « Ricky Renuncia ! », Ricardo, démissionne ! – Ricardo Rossello est l’actuel gouverneur de l’île.

Le 11 juillet, une source anonyme a publié les messages personnels du compte Telegram (application de messagerie cryptée équivalente à Whatsapp) du gouverneur, lié à Donald Trump. 2 jours plus tard, le Centre de Journalisme d’Investigation de Puerto Rico les publiait en ligne, révélant des messages d’une teneur profondément misogyne et homophobe, tenus par le gouverneur Rossello et de nombreux hommes politiques proches de lui. Deux d’entre eux ont démissionné immédiatement après la publication, dont le Secrétaire d’État Luis Rivera Marín. Mais cela n’a pas suffit à calmer la colère de la population, qui avait commencé à se rassembler dans la rue dès que le scandale a éclaté.

Les manifestations ont atteint un pic, mercredi 17 juillet, avec près de 100.000 personnes dans les rues de San Juan, la capitale, lorsque le consortium de journalistes a révélé un « réseau de corruption de plusieurs millions de dollars », mettant en cause plusieurs sociétés publiques.

Depuis 2016, Puerto Rico est sous le contrôle d’un conseil de supervision financière (Financial oversight board) instauré par la loi PROMESA (Puerto Rico Oversight, Management and Economic Stability Act), elle-même adoptée durant l’administration Obama. Le but de ce conseil de représentants non-élus est de mettre en place un plan de remboursement des créanciers de l’île (principalement de grands fonds d’investissement étasuniens) en appliquant un plan d’austérité radical, incluant des fermetures d’écoles, des coupes énormes dans les pensions et surtout pas le moindre investissement dans l’économie locale, les infrastructures ou les politiques sociales.

C’est dans ce contexte, illustrant parfaitement la Doctrine du Choc de Naomi Klein, que l’île fut frappée, 2 fois consécutivement, par des ouragans qui ont causé d’énormes ravages sur l’île, tués plus de 3000 personnes et détruits le réseau électrique. Il aura fallu 11 mois pour restaurer le courant sur toute l’île, ce qui a passablement augmenté le nombre de décès résultant à la fois de l’ouragan, du manque d’entretien du réseau électrique et des choix catastrophiques qui ont été fait dans la gestion de cette crise. Les révélations du consortium de journalistes confirment largement ce dernier point.

Pour la restauration du réseau électrique, détenu par l’entreprise publique PREPA (Puerto Rican Electric Power Authority), celle-ci a d’abord passé un contrat avec une entreprise qui n’avait aucune expérience dans la région mais qui avait des liens étroits avec le secrétaire du ministère de l’Intérieur Ryan Zinke. Le contrat a fini par être annulé et un nouveau contrat fut signé avec une entreprise liée au géant des énergies fossiles Mammoth Energy Services, alors que la situation de l’île et son exposition face aux ouragans ont largement démontré qu’il était nécessaire pour elle de s’appuyer sur une production locale d’énergie renouvelable.

Ricardo Rossello ne résistera certainement pas à cette vague de mécontentement. Ses adversaires politiques préparent déjà un recours pour tenter de mettre en place une mesure d’empêchement (impeachment). Mais cela ne retirera pas le mal fait, et ne changera pas le programme du conseil de supervision financière qui poursuivra dans sa voie austéritaire, en faveur des créanciers de l’île qui dégagent des profits pharamineux. La saison des ouragans débute maintenant…

Rappelons que le CADTM international s’était rendu à Puerto Rico en décembre 2018 et qu’un programme d’activités très réussi avait été organisé par son partenaire local, le front citoyen pour l’audit de la dette.

Pierre Gottiniaux

Source: CADTM

Traductions disponibles: Português  Español  English

Pour en savoir plus : La dette néocoloniale de Puerto Rico

À voir : reportage photos du Guardian