USA-Chine : la guerre est-elle imminente ?

L’indépendance nationale de ces nations passe par le combat et la défaite de l’offensive yankee.

Les analystes internationaux voient généralement dans la confrontation entre les USA et la Chine un choc entre deux superpuissances partageant les mêmes objectifs, mais dont les régimes politiques sont opposés. Les contradictions entre elles auraient été exacerbées par l’incapacité (ou la répugnance) des dirigeants chinois à adopter de manière généralisée les pratiques de la mondialisation en économie et en politique.

Ils critiquent un dirigisme qui n’a même pas aboli les plans quinquennaux [le 13ème couvre les années 2016-2020]. En général, on n’insiste pas sur la différence essentielle de nature entre cette confrontation et celle qui a opposé, après la Seconde Guerre mondiale, les USA à l’URSS , pays à l’économie planifiée et nationalisée, riche en matières premières. L’URSS, qui n’a jamais disputé de marchés aux USA et a poursuivi l’utopie d’une coexistence entre ordres économiques et sociaux viscéralement opposés, puisque le mode de production capitaliste a par nature besoin de repousser ses frontières économiques, surtout dans sa phase impérialiste.

La restauration capitaliste en Chine, amorcée en 1979 par Deng Xiaoping [dix ans avant la dissolution de l’URSS] sous le contrôle monolithique de factions de l’appareil du Parti communiste, a transformé pendant des décennies l’immense nation en un espace privilégié pour l’accumulation de capitaux, surtout en provenance des USA. Processus soutenu par la surexploitation de la main-d’œuvre disciplinée chinoise et la vampirisation des investissements socialistes des décennies précédentes. La prolifération initiale de petites entreprises souvent familiales et, par la suite, l’arrivée dans le pays d’importants investissements étrangers et de technologies modernes, souvent par le biais de joint venturesi [ou co-entreprises] avec des entreprises locales ou l’État, avaient initialement produit des marchandises à faible valeur technologique [généralement du travail d’assemblage] mais exigeant une grande intensité de travail vivant. Dans le même temps, l’État réalisait de grands travaux d’infrastructure.

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Evolution chinoise, par Joep Bertrams

Deuxième temps

Le mouvement de délocalisation de l’industrie, impulsé par la mondialisation et la déréglementation, a transféré vers la Chine des milliers d’usines d’entreprises usaméricaines et européennes, attirées par la surexploitation du travail. Le capital investi et accumulé avait un pays et un drapeau, mais cependant il obéissait le plus souvent à la nature profonde du capital, sans tenir compte d’un quelconque intérêt national, quelles qu’aient pu être les attentes des pays dont il était originaire. L’accumulation de capitaux nationaux et internationaux en Chine a stimulé la production de marchandises de plus haute technologie, tournées vers l’exportation. Très vite, elle a également commencé à s’appuyer sur un marché intérieur en expansion, développant sur une échelle encore plus grande son niveau de production. La Chine compte un milliard et 400 millions d’habitants. Elle est devenue « l’atelier du monde » comme l’Angleterre au 19ème siècle et les USA au 20ème siècle.

De façon concomitante, les USA et leur population de plus de trois cent millions d’habitants souffraient de la délocalisation des industries à forte densité de main-d’œuvre vers la Chine, l’Inde, la Thaïlande, le Mexique, etc., pays où la main-d’œuvre est surexploitée. Le recul du pouvoir d’achat intérieur aux USA, antérieur à ce processus, s’est encore accéléré. En 1968, le salaire minimum aux USA faisait vivre une famille de trois personnes. En 1988, il faisait difficilement vivre une personne. Une grande partie de ce qui était auparavant fabriqué aux USA était désormais acheté à bas prix, en particulier à la Chine, ce qui a entraîné des déficits commerciaux gigantesques avec ce pays, partiellement contrebalancés par l’achat par la Chine, grâce à ses excédents commerciaux, de titres de la dette des USA . Ces acquisitions ont permis de financer à faible coût les déficits publics astronomiques des USA, ces obligations ayant souvent des rendements négatifs. En 2018, la Chine détenait 1 1200 milliards de dollars en obligations du Trésor US. En février 2019 la dette publique de ce pays [les USA] dépassait les 22 000 milliards de dollars, dépassant son PIB pour 2018, qui s’élevait à 20 500 milliards de dollars.

La Chine à la conquête du monde

Dès 2013, les dirigeants chinois ont encouragé le développement de la consommation intérieure, vue comme un débouché pour la production industrielle du pays. Elle a toujours stimulé la recherche et l’innovation technologique, réduisant ainsi l’écart relatif par rapport aux USA, ce dont le pays a bénéficié dans des domaines tels que la biotechnologie, l’informatique et l’intelligence artificielle. La Chine a de même commencé à exporter des produits et des services high-tech. Maints analystes suggèrent que la hâte des dirigeants chinois en général et de Xi Jinping en particulier à transformer le pays en une puissance mondiale a déclenché l’inévitable hostilité de la superpuissance hégémonique, inquiète à l’idée de perdre sa prépondérance. Ce manque de modération serait responsable de la crise actuelle. Ce ne sont pas les excellents protagonistes qui créent les profonds bouleversements socio-historiques. Ce sont ces derniers qui produisent les premiers.

L’exubérance quantitative et qualitative de la production chinoise est le produit naturel de l’accumulation du capital, qui a dépassé la capacité de la consommation intérieure et des marchés extérieurs traditionnels. En Chine, la surproduction d’acier, d’aluminium, de ciment, de navires, de construction, de produits chimiques, est énorme. Les capitaux excédentaires demandaient à être réinvestis dans la production à l’étranger, d’autant plus que ceux investis en Bons du Trésor US étaient dévalorisés, car menacés d’une forte dévaluation du dollar. La gigantesque production chinoise destinée à la consommation intérieure et à l’exportation nécessite d’importer d’énormes quantités de matières premières, notamment du pétrole, des minéraux et des céréales. Le pétrole est essentiel comme carburant et comme intrant à de nombreux produits et activités, notamment la chimie et l’agriculture. La Chine est aujourd’hui l’un des plus gros importateurs de matières premières, à hauteur de 68% du commerce international du minerai de fer. C’est un consommateur vorace de la production mondiale de blé, de maïs, de soja, éléments indispensables pour alimenter son industrie et sa population. 

Le commerce des USA avec la Chine :
Le déficit commercial des USA avec la Chine s’est envolé depuis 1985

Un phénomène écrasant

Il était nécessaire, d’une part, de créer ou de conquérir de nouveaux marchés pour absorber les exportations excédentaires de produits manufacturés, de services, de technologies, de capitaux, etc., et d’autre part, pour assurer les conditions d’une importation ininterrompue et économiquement viable des matières premières essentielles. L’enchérissement des importations tend à chasser les exportations chinoises du marché international et à augmenter les prix à l’intérieur. Le nouveau schéma adopté par la Chine à l’extérieur s’est traduit par la baisse relative de l’achat de titres de créance US et l’expansion de l’exportation de capitaux publics et privés, par le financement d’infrastructures, l’acquisition de sociétés, les joint-ventures, etc. Cela a également permis l’acquisition de technologies prêtes à l’emploi. À cette fin, entre autres initiatives, des banques d’investissement ont été créées en Eurasie, dans les BRICS, etc.

Pratiquement inexistants auparavant, les investissements directs de la Chine à l’étranger (IDE) ont commencé en 2004, faisant un bond spectaculaire dans la période 2014-2016, principalement sur l’Asie (70%) et notoirement sur l’Amérique latine (17%), productrice par excellence de minerais , de pétrole et de céréales. Mutatis mutandis, la Chine a suivi le chemin emprunté par l’Angleterre, la France, l’Allemagne et les USA, pour devenir une nation impérialiste au sens léniniste du terme.

En d’autres termes nécessairement exportatrice de capitaux. L’extériorisation chinoise s’est produite d’une manière relativement différente des nations que nous venons de citer. Le capital chinois s’affirme comme le bailleur de fonds d’une “communauté [mondiale] au destins associés”, faisant converger les intérêts de la Chine et des pays importateurs de capitaux dans de tels processus. Elle se dissocie des pratiques impérialistes traditionnelles de la terre brûlée. Ce comportement est dû à l’abondance de capitaux, au contrôle de l’État sur les investissements, au fait que la Chine ne détient pas l’hégémonie politique et militaire mondiale, apanage des USA depuis la dissolution de l’URSS en 1989. Les USA jouissent d’une supériorité incontestée et dans le domaine militaire et de nombreux domaines technologiques. Ils conservent l’appui des nations « sub-impérialistes » qui leur sont soumises : le Japon, l’Angleterre, l’Allemagne, la France, la Suisse, etc. Ils constituent une nation impérialiste hégémonique qui impose le dollar comme monnaie d’échange mondiale, ayant le droit de fabriquer une monnaie qui ne repose sur rien. Car les USA se trouvent incontestablement dans une relative situation de régression économique.

2. L’affrontement USA-Chine : sur ce front, rien de nouveau

Le choc inter-impérialiste entre la Chine et les USA fait écho, d’une manière générale, à ceux entre l’Angleterre et de la France aux 18e et 19e siècles, à l’origine des guerres napoléoniennes; entre l’Angleterre et la France d’une part et l’Allemagne d’autre part, ce qui a conduit à la guerre de 1914-18; et entre ces deux mêmes pays alliés aux USA, contre l’Allemagne et le Japon, ce qui a motivé le conflit de 1939-1945.

Dans ces trois cas, la guerre était le résultat inévitable de la lutte pour l’hégémonie économique. Depuis 1918, les USA ont émergé comme puissance hégémonique, alors même qu’une partie du globe était libérée de l’exploitation capitaliste [Révolution de 1917]. En 1945, le capital yankee a étendu son influence sur le monde capitaliste, gardant comme aide de camp l’Angleterre décadente, en particulier dans la lutte contre l’URSS. Cet affrontement n’a jamais eu de caractère inter-impérialiste, car l’économie planifiée et nationalisée de l’URSS investissait ses capitaux dans la production et la consommation nationales et non dans l’exportation.

L’affrontement USA-Chine est marqué par la supériorité militaire et diplomatique des USA, en dépit de leur fragilité économique grandissante par rapport à la Chine, malgré dix années d’expansion économique ininterrompue principalement due à la reprise de la production de pétrole et de gaz de schiste. C’est ce qui a masqué la dégradation du parc industriel US. Les USA sont aujourd’hui le premier producteur mondial de pétrole. La pendule de l’histoire tourne contre les USA et en faveur de la Chine, qui modernise et renforce ses forces armées, en particulier ses navires de guerre et ses porte-avions, destinés à défendre les routes maritimes mondiales qui lui permettent de s’approvisionner et d’écouler sa production. En raison de l’existence des missiles actuels, les porte-avions ne sont plus destinés à l’affrontement entre puissances maritimes. Ils servent avant tout à la « projection » de la puissance militaire d’un État loin de ses frontières. Ils constituent l’arme de l’impérialisme par excellence.

L’arme de l’impérialisme

Les USA comptent 21 porte-avions. L’URSS, qui a toujours maintenu une position militaire défensive, n’en a pratiquement jamais eu, sauf exception. La Chine en a deux, en construit un troisième et en prévoit quatre pour les années à venir. Les USA possèdent huit cents bases militaires dans le monde : 76 en Amérique latine – neuf en Colombie et huit au Pérou. Leur supériorité en ogives nucléaires est énorme par rapport à la Chine, qui a sa première base militaire extraterritoriale à Djibouti, au nord-est de l’Afrique. Le coût de la domination militaire mondiale épuise les USA qui voient leur supériorité remise en cause par la Chine et par le réarmement russe, faible par rapport à l’ère soviétique, mais dont le niveau technologique est très élevé. Malgré l’éventualité de pertes énormes, les USA croient en la possibilité de gagner une guerre localisée contre la Russie en Europe ou contre la Chine dans les mers orientales. L’alliance entre la Chine et la Russie laisse présager un conflit dans lequel les USA, se battant sur deux fronts, seraient vaincus. La perte de l’hégémonie politique et militaire signifierait la désorganisation totale de l’économie et de la société usaméricaines, dépendantes du pillage de l’économie mondiale, qui n’est plus garantie par leur domination économique.

L’impérialisme US a besoin de s’imposer comme puissance hégémonique indiscutable dans un délai très bref. Une guerre généralisée, comme celle menée contre l’Allemagne et le Japon, ne serait possible qu’avec une attaque atomique qui n’entraînerait pas de représailles. Les USA ne disposent pas d’une telle option. Ils tentent de désorganiser socialement et politiquement la Chine et la Russie par une politique d’agression économique, associée à des affrontements militaires localisés, par procuration, ou indirects – comme au Vietnam, en Afghanistan, en Syrie, en Ukraine, etc. Cette stratégie exige l’encerclement politique et militaire de la nation combattue ; le tarissement ou l’enchérissement de ses approvisionnements en matières premières ; l’interdiction pour elle d’accéder aux marchés financiers et commerciaux ; l’exacerbation des contradictions internes [politiques, nationales, ethniques], etc. Cette stratégie a contribué à faire tomber l’URSS et a épuisé Cuba ; elle est appliquée au Nicaragua, en Corée du Nord, en Iran. Ces dernières années, elle a été intensément appliquée à l’encontre de la Russie et de la Chine. Cette stratégie ne saurait tarder à produire ses effets, puisque les deux nations avancent des contre-mesures pour la contrecarrer et se renforcent, de façon considérable dans le cas de la Chine, Le peu de temps dont il dispose impose à l’impérialisme US de devenir de plus en plus agressif. Poutine ne parle pas de façon rhétorique en déclarant que les relations entre la Russie et les USA ne cessent de se détériorer et que l’éventualité d’un conflit armé ne doit plus être écartée .

3. La force de la Chine : un Plan Marshall pour le monde

Les réserves monétaires de la Chine sont les plus importantes au monde et son activisme s’étend à tous les continents, en particulier aux pays voisins, sans négliger l’Afrique et l’Amérique latine. Après l’Union européenne et les USA, le troisième partenaire commercial de la Chine est l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est [ANASE] – Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, Vietnam, Myanmar, Laos et Cambodge, qui constituent un marché de plus de six cents millions de consommateurs. Le plan Marshall [1947] a favorisé la reconstruction et la soumission économique, politique et culturelle de l’Europe au capital US. La Chine est à l’initiative de vastes projets à l’échelle de la planète, telles que la “Nouvelle Route de la Soie”, impliquant plus de 130 nations, et consistant en la construction ou la modernisation de routes terrestres, fluviales ou maritimes, de ports, de réseaux électriques, de fibres optiques, de gazoducs, etc., en Asie, en Afrique et en Europe.

Toutes les routes mènent en Chine, tout comme on ne va pas à Rome sans voir le pape ! La Chine investira 10 mille milliards de dollars dans le projet entre 2016 et 2020 ! Malgré les grincements de dents de l’Union européenne et des USA, l’Italie vient de signer une déclaration d’intention pour participer à la Nouvelle Route. L’impérialisme US craint que ses alliés ne penchent du côté de l’alliance russo-chinoise, car ils ne font plus confiance aux capacités économiques et politiques de l’Oncle Sam. Au cours des vingt dernières années, les USA n’ont pas mené à bien une seule grande initiative stratégique dans le domaine de l’économie, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays. La guerre en Irak a laissé le pays exsangue sur le plan économique et agrandi l’influence de l’Iran en Irak et en Syrie. Dix-neuf ans de guerre en Afghanistan ont coûté plus de mille milliards de dollars. La crise de 2008 a coûté 24 000 milliards de dollars aux banques centrales. L’impérialisme US n’a plus la capacité de rien donner, même pour reprendre encore plus. Avec Obama et Trump, il a pratiqué, et continue de pratiquer la politique du bâton, mais sans la carotte, envers ses alliés comme envers les non alliés. Obama a soutenu des coups d’État au Paraguay, au Honduras, en Syrie, en Libye, en Ukraine, etc. Sous la menace de sanctions, Trump exige des concessions de l’Europe, du Mexique, du Canada, de la Chine, etc. Il appuie des coups d’État parlementaires ou violents au Brésil, en Équateur, en Argentine, etc. Ayant perdu sa place dans le conflit commercial, l’impérialisme exerce une hégémonie politico-militaire pour maintenir ses sujets sous sa coupe et les utiliser dans l’offensive contre la Russie et la Chine.

La guerre contre la Chine

S’appuyant sur l’énorme déséquilibre commercial entre les deux pays, Trump a imposé une mégataxe sur les exportations chinoises vers les USA, sous le prétexte de la dévaluation du renminbiii par rapport au dollar, de subventions gouvernementales non déclarées, de vol de technologie, etc. par les Chinois. Cette initiative s’inscrit dans le cadre du projet de réindustrialisation des USA. Le 22 mars 2018, Trump a imposé une taxe de 50 milliards de dollars US sur les importations chinoises, à hauteur de 25 %. Cette attaque a été suivie de représailles modérées de la part de Pékin, puis, immédiatement, d’une autre augmentation des taxes US, passées actuellement à 250 milliards de dollars, sur un total de 540 milliards de marchandises importées en 2018. La Chine a taxé à hauteur de 110 milliards de dollars les produits qu’elle importe des USA, dont le total ne représente que 120 milliards. Les USA menacent de taxer la quasi-totalité des importations en provenance de Chine si ce pays ne se plie pas à ses exigences inapplicables, ce qui fait des négociations bilatérales un pur simulacre, désormais pratiquement interrompu. Des entreprises, notamment usaméricaines, envisagent de se retirer ou se retirent déjà de Chine, au détriment du pays et de leurs actionnaires, dont beaucoup se sont retranchés dans le Parti démocrate

Même s’il porte atteinte aux principes du commerce libéral – les accords de libre-échange et la déréglementation sanctifiés par la mondialisation – Trump exerce un droit incontestable de taxer les importations vers les USA [protectionnisme]. Mais il ne s’agit pas seulement d’un différend commercial. Trump, en se comportant comme un bandit de grands chemins, attaque les points névralgiques de l’économie chinoise, en cherchant à restaurer l’hégémonie industrielle et technologique des USA. Actuellement, il entame un conflit pour la maîtrise mondiale des entreprises de pointe en informatique et en communication. Trump a interdit aux entreprises usaméricaines de faire du commerce avec l’entreprise chinoise Huawei, premier fournisseur mondial de matériel pour les réseaux de communication. En raison de l’intégration mondiale dans cette branche, cette décision cause d’énormes dommages à l’entreprise. Il fait également pression sur ses alliés pour qu’ils boycottent l’installation par Huawei des réseaux 5G, déjà en cours de dans plusieurs pays. Le réseau 5G est au cœur de la “Quatrième Révolution Industrielle” : l’”Internet des Objets” [IDO], l’intelligence artificielle [IA], les véhicules autonomes, les nouveaux armements, etc.

Tous les coups sont permis

La justification des USA pour l’attaque contre Huawei est que cette dernière fournirait au PC chinois les informations qu’elle transmet. Si c’était exact, cela obligerait chaque nation à créer son propre réseau, afin de ne pas faire l’objet d’un racket. Cette mesure extrême vise à donner aux entreprises usaméricaines, qui sont très en retard, le temps d’offrir le même service, peut-être à un prix plus élevé, puisqu’elles bénéficient d’espaces nationaux « réservés » sous la pression des USA. Les seconds couteaux de l’impérialisme usaméricain, Australie et Nouvelle-Zélande, ont déjà adhéré à cette interdiction. En mai 2018, dans un acte de pure piraterie, le Canada a arrêté Wanzhou Meng, fille du fondateur de Huawei et directrice financière de l’entreprise, accusée d’avoir violé les sanctions US contre l’Iran, ce qui constitue un affront direct envers les dirigeants chinois. Des mesures coercitives ont également été prises à l’encontre de ZTE et de Fujian Jinhuaas, des entreprises chinoises de médias. En mai dernier, un éditorial du Quotidien du Peuple, l’organe du PCC, affirmait que l’offensive US menaçait ” toute la Chine et son peuple “.

Les USA ont fait de nouveaux pas vers une confrontation directe. Ils cherchent à créer les conditions pour entraver ou bloquer les approvisionnements chinois en matières premières. Ils organisent des alliances nationales agressives aux frontières chinoises. Surtout, ils exacerbent le différend à propos de la mer de Chine méridionale, revendiquée par Brunei, la Malaisie, les Philippines, le Vietnam et la Chine. Un tiers du commerce mondial passe par ces eaux et elles disposent de très riches ressources halieutiques et de probables réserves de pétrole. La Chine revendique une grande partie de la mer de Chine méridionale, contrôlant totalement, depuis 2012, les îles Paracels, proches de la Chine continentale, et huit îles de l’archipel des Spratleys, plus éloignées, où elle a construit des aéroports, des ports et des installations militaires sur des îles artificielles. Les USA font croiser des navires militaires à proximité des îles Paracels, dans ce que la Chine considère comme ses eaux territoriales. Ils promettent de vendre des armes de dernière génération à Taiwan et de renforcer leurs liens avec elle.

4. Il faut détruire Moscou!iii L’offensive générale des USA contre la Russie

Avec la victoire de la contre-révolution en 1990, la Russie et les anciennes nations de l’URSS sont devenues les dépotoirs de l’impérialisme US et européen. Pendant l’ère Eltsine [de décembre 1991 à décembre 1999], alors que le monde était sous la domination exclusive des USA, l’impérialisme a imposé son hégémonie aux anciens alliés de l’URSS en Europe de l’Est et dans les Balkans, les intégrant souvent à l’OTAN, rapprochant leurs forces armées des frontières russes et rompant les accords précédents. Depuis le début de l’ère Poutine [2000], le pays a accéléré sa réorganisation économique basée principalement sur des conglomérats étatiques et des noyaux capitalistes autochtones, tandis que la domination usaméricaine sur le pays reculait. On a vu la reconstruction des forces armées, -financée en partie par les ventes d’armes à l’étranger- qui restent modestes par rapport à celles des USA et de l’ex-URSS, mais dont le niveau technologique est très élevé. Le budget militaire russe représente un dixième des dépenses militaires des USA. S’appuyant sur cette nouvelle réalité, le gouvernement russe a réussi à s’opposer à l’offensive impérialiste à ses frontières et à celles de ses plus proches alliés, en contre-attaquant avec succès en Géorgie-Ossétie du Sud [2008], en Ukraine-Crimée [2014] et en Syrie [2015]. Aujourd’hui, la Russie assiste les deux « républiques populaires de Donetsk et Lugansk » contre l’action impérialiste et soutient, sans intervention directe, l’autonomie du Venezuela, de la Corée du Nord et de l’Iran. Surtout, elle renforce son alliance de fait avec la Chine et resserre les liens économiques entre les deux pays.

L’offensive de l’impérialisme US contre la Russie a de multiples raisons, parmi lesquelles la nécessité d’empêcher l’alliance de ce pays, notamment, avec l’Allemagne, ce qui mettrait fin à l’hégémonie US en Europe. Tout en participant aux sanctions US contre la Russie, l’Allemagne continue d’acheter surtout du gaz russe et participe au développement du gazoduc Nord Stream 2, long de 1 200 km, qui ne traverse pas l’Ukraine. Dans le contexte de l’immense augmentation de la production de gaz (de schiste) aux USA, l’impérialisme US doit remplacer la Russie comme fournisseur de de l’Allemagne en particulier, bien que le gaz russe soit plus facile à transporter, moins cher et sans contrepartie politique. À l’inverse, la Russie et la Chine construisent un gazoduc entre la Sibérie et la Chine pour remplacer les importations chinoises en provenance des USA.

Évolution du prix du baril de Brent 1988-2015

L’Allemagne est un fournisseur traditionnel de produits manufacturés à la Russie. Les usines allemandes y sont transférées pour contourner les sanctions usaméricano-européennes. En Allemagne, en France, au Portugal, en Grèce et surtout en Italie, on parle de plus en plus de l’inutilité et de la perversité économique de ces sanctions pour l’Europe. La désorganisation de la Russie est essentielle pour contrôler les ressources naturelles du pays (pétrole, gaz, blé, etc.), exportées en quantité croissante vers la Chine. La Russie est le principal fournisseur de pétrole de la Chine et sera bientôt son principal fournisseur de gaz naturel. Les USA approchent de l’autonomie pétrolière et dominent la production de l’Arabie Saoudite, des Émirats, de la Libye, etc. Ils attaquent durement l’Iran et le Venezuela, deux autres grands producteurs de pétrole. La Russie est une barrière fondamentale que les USA doivent lever dans leur offensive contre la Chine pour obtenir le contrôle souhaité sur le pétrole mondial.

Des défaites sévères

Avec l’aide de la garde révolutionnaire iranienne et du Hezbollah libanais, la Russie a soutenu les armées syriennes et défendu l’indépendance de cette nation. Elle a joué un rôle décisif dans la prise de distance de la Turquie par rapport à l’OTAN lorsque l’impérialisme usaméricain a échoué à prendre le contrôle du pays le 15 juin 2016. Ces deux revers très graves et la désastreuse intervention en Irak, suivie du renforcement de l’influence iranienne sur ce pays, ont affaibli l’hégémonie qu’exercent les USA sur cette région pétrolifère par l’intermédiaire du bras musclé d’Israël. Les USA retournent à l’attaque dans la région avec l’offensive actuelle contre l’Iran, mais sans le soutien de l’Allemagne et de la France. Les USA s’attendaient à ce que l’économie russe vole en éclats lors de la dépréciation du prix du pétrole sur le marché mondial, fondamental pour l’économie du pays. Le prix du baril, qui avait dépassé les 130 dollars en 2008, est tombé à un peu plus de 30 dollars en 2009, en raison de la crise mondiale. Ensuite, la reprise des prix a été hésitante, le prix du baril revenant à un peu plus de 30 dollars, en raison de la surproduction saoudienne, qui a échoué contre l’entrée sur le marché de l’huile de schiste des USA. La stabilisation des prix du pétrole, sans revenir aux pics précédents, a rendu cette opération irréalisable.

En 2014, à la suite de la défaite partielle de l’offensive en Ukraine, les USA ont lancé un blocus destiné à saboter l’économie russe par des sanctions économiques draconiennes, afin de dissoudre le bloc politique au pouvoir, et revenir à la situation de l’ère Eltsine. La Russie a résisté à cette offensive, surmonté la période de récession, diversifié son économie, repris sa croissance économique, à un rythme modéré il est vrai, et continué à renforcer ses forces armées. Les USA ont combattu les ventes sur le marché mondial des armes russes, moins chères et de meilleure qualité. Ils menacent la Turquie de sanctions en raison de l’achat par celle-ci du puissant système antiaérien S-400, meilleur et moins cher, qui protège également ce pays des avions de l’OTAN dont la Turquie est membre. Le coup d’État manqué de 2016 contre le gouvernement turc est parti d’une importante base de l’OTAN dans le sud du pays. L’industrie de l’armement est un autre pilier de l’économie russe. Les USA exigent que les pays de l’OTAN consacrent 2% de leur budget à leur armement ; ils transfèrent des troupes de l’OTAN sur les frontières russes ; ils organisent de multiples provocations contre Moscou – un empoisonnement en Angleterre, des interférences dans les élections usaméricaines, etc.

La Russie a augmenté ses réserves d’or et créé son propre réseau Internet national, craignant que les USA ne bloquent ses transactions bancaires internationales et ne coupent son accès à Internet. La défaite de la Russie et de la Chine peut être envisagée différemment, selon qu’un démocrate ou un républicain occupe le Bureau ovale et tienne les rênes de l’impérialisme. Cependant, cette défaite est essentielle pour que les USA puissent rebâtir leur hégémonie sur la planète et relancer, pour quelques décennies, l’expansion du capital usaméricain, même au prix de l’annihilation de millions d’êtres humains. Comme le temps joue contre lui, l’impérialisme répand son offensive mortelle dans le monde entier, afin de relancer l’accumulation du capital impérialiste et soumettre les nations fantoches à ses projets de destruction de la Russie et de la Chine. Il a obtenu des succès incontestables en Amérique du Sud en général et au Brésil en particulier, ces nouveaux et importants espaces de l’intervention chinoise. Les nations entraînées dans ce conflit en raison de la domination usaméricaine voient déjà leurs intérêts nationaux atteints et en subiront peut-être des conséquences irréparables dans les années à venir, avec l’inévitable radicalisation du choc entre la Chine et les USA. L’indépendance nationale de ces nations passe par le combat et la défaite de l’offensive yankee.

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Journaux et éditions électroniques : Sputnik, El Pais, Folha de São Paulo, Granma,  UOL Economia.

NdT

i Les termes joint-venture (ou encore “opération conjointe” ou “co-entreprise”) se rapportent soit à une création en commun, par deux partenaires de nationalité différente, d’une société industrielle ou commerciale ; soit à la prise de participation significative dans le capital d’une société étrangère implantée sur le marché d’exportation visé, par une entreprise exportatrice nationale.
cf. https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/joint-venture.html#yY2yp7ABjS8WFCT9.99

ii Renmibi : appellation du yuan chinois dans les transactions internationales.

iii Allusion à la  locution latine traditionnellement attribuée à  Caton l’Ancien , qu’il aurait prononcée lors de la Troisième Guerre punique :« Delenda [est] Cartago », signifiant « Il faut détruire Carthage ». cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Delenda_Carthago

Mário Maestri

Original: USA -China: a guerra está próxima?

Traduit par Jacques Boutard

Edité par Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي

Source: Tlaxcala, le 25 juin 2019

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