Nous avons le droit à l’existence, à la résistance et au retour

Il est urgent que les gens de conscience du monde entier se joignent à la solidarité et s’opposent à la collusion de leurs gouvernements et de leurs institutions avec ce crime contre l’humanité qui n’a que trop duré.

Intervention à la manifestation nationale « Exister ! Résister ! Retourner » à Londres, le 11 mai 2019

Je m’appelle Shahd Abusalama et je suis une réfugiée palestinienne de la troisième génération, née et élevée dans le camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de Gaza.

Je me tiens ici avec tant de Palestiniens, nés en Palestine et en exil, pour dire aux sionistes fondateurs d’Israël, qui ont imaginé que les anciens mourraient et que les jeunes oublieraient, que nous n’oublierons pas la Palestine et que nous ne renoncerons jamais à nos droits fondamentaux, à nos droits d’exister, de résister et de rentrer chez nous. Nous représentons de nombreuses communautés autochtones qui ont fait face à diverses formes d’oppression au cours de l’histoire du colonialisme et de l’impérialisme européens, afin de rappeler au monde que le colonialisme n’est pas une culture du passé, mais une réalité que nous avons vécue et affrontée, des Amériques, de l’Australie, de l’Irlande à la Palestine.

Ma grand-mère évoquait une enfance paisible dans les champs verdoyants d’agrumes et d’oliviers de notre village de Beit-Jirja. Cette vie, ses goûts, ses sons et ses odeurs n’ont survécu que dans ses souvenirs, Beit Jirja ayant été rasé comme 530 autres villages et villes vidés de leur population et détruits par les voyous sionistes en 1948. Pour les Palestiniens, la Nakba n’a jamais été un événement isolé. C’est ce qui s’est passé en 1948, mais l’oppression coloniale israélienne n’a jamais cessé et de nombreuses communautés palestiniennes en Israël [Palestine de 1948], dont la population de Khan Al-Ahmar, continuent de se battre contre leur nettoyage ethnique.

Mes grands-parents sont présents aujourd’hui plus que jamais alors que nous célébrons le 71ème anniversaire du nettoyage ethnique de la Palestine, car ce qui est arrivé alors est la raison pour laquelle je suis née à Jabaliya avec une arme pointée sur la tête. Pendant le travail de ma mère, des soldats israéliens ont perturbé son transfert à la clinique de l’UNRWA à Jabaliya en imposant un couvre-feu permettant d’abattre toute personne en mouvement. Tirer pour tuer était courant durant la Première Intifada pendant laquelle je suis venue au monde, et reste une pratique courante aujourd’hui.

Nous l’avons vu lors des fusillades et des mutilations des manifestants de Gaza lors de la Grande marche du Retour, qui se tenaient sans armes contre les tireurs israéliens pour revendiquer leur humanité et faire valoir leur Droit au Retour, un droit qu’Israël a fermement rejeté au cours des sept dernières décennies pour des motifs racistes, et qui est au centre du débat politique. Leurs appels à la justice surviennent au milieu des tentatives usaméricano-israéliennes d’effacer le Droit au Retour et d’extraire Jérusalem « de toute négociation ». Il est temps que nous qualifions ces dirigeants mondiaux pour ce qu’ils sont : des trolls racistes. Il est temps de soutenir fermement le Droit au Retour des Palestiniens, car sans justice, il n’y aura pas de paix véritable.

Les Palestiniens de la bande de Gaza viennent de survivre à une autre attaque meurtrière israélienne de trois jours qui a coûté la vie à 25 personnes, dont deux femmes enceintes, deux enfants en bas âge et un enfant de 12 ans. Alors que les nouvelles du monde étaient rassurantes après l’annonce de la trêve, les Palestiniens de la bande de Gaza ont repris la lutte quotidienne pour leur survie alors que de nouvelles violences meurtrières sont à craindre à tout moment. C’est ainsi que ma famille a accueilli le Ramadan. À la suite de la trêve, j’ai entendu mes parents appeler des parents et des amis et leur dire « Je suis heureux que vous ayez survécu » avant de poursuivre « Ramadan Karim ».

Imaginez vivre dans une prison à ciel ouvert où la mort est présente et où les murs s’effondrent. Cette incertitude à propos de tout, y compris votre propre vie, même chez vous, est terrifiante. C’est ce à quoi 2 millions de personnes ont été confrontées le week-end dernier alors qu’elles étaient sous le feu des armes israéliennes aériennes, terrestres et maritimes, transformant Gaza en un laboratoire pour les armes meurtrières qu’Israël met sur le marché comme « testées sur le terrain » lors de foires aux armes notoires dans le monde entier, comme la DSEI que Londres accueille à nouveau cette année.

Ce n’est pas un hasard si Gaza fait encore et encore l’objet d’attaques lors des élections israéliennes. Ces élections sont organisées par des criminels qui utilisent le sang d’enfants palestiniens pour gagner le soutien de la population. Pendant ce temps, le monde est sur le point de célébrer l’Eurovision dans l’apartheid israélien, dans le seul but de présenter une « face plus présentable » d’Israël tout en détournant l’attention mondiale de ses crimes quotidiens contre les Palestiniens. Honte à tous les pays candidats, à tous les participants et à tous les publics s’ils persistent à soutenir l’Eurovision en Israël alors que le sang de nos victimes n’a pas séché.

Ce n’est pas nouveau. C’est notre expérience de plusieurs décennies, déformée par un discours médiatique dominant qui trouve préférable d’éviter de s’attaquer au déséquilibre des forces entre occupants etoccupés , réduisant le contexte du colonialisme à un « conflit », en diabolisant de manière efficace les Palestiniens et les peuples qui luttent légitimement contre leur déshumanisation systématique.

L’injustice à notre égard est également normalisée par les contribuables dont l’argent sert à financer « l’aide » militaire à Israël par des politiciens qui s’abstiennent de prononcer des paroles de condamnation chaque fois que l’auteur des abus est Israël, et aussi normalisée par des institutions internationales qui font des affaires avec Israël ou par des entreprises qui permettent des crimes israéliens, par des musulmans à travers le monde qui normalisent leurs relations avec Israël et achètent des dattes israéliennes alimentées avec notre douleur et dépossession, par des juifs sionistes et des chrétiens qui soutiennent au nom de Dieu le processus ininterrompu de nettoyage ethnique à l’encontre du peuple autochtone de la « terre promise ».

La meilleure réponse à une telle brutalité et à cette normalisation est la solidarité active !

Nous avons une belle manifestation de solidarité aujourd’hui avec des milliers de personnes qui s’unissent et qui appartiennent à des communautés, des religions, des sexes, des professions et des villes différentes, pour dire : nous ne tournons pas le dos au peuple palestinien. Nous ne savons que trop bien, que la Palestine fasse la une des journaux ou non, qu’Israël perpètre la violence sans interruption.

À chaque minute, des âmes innocentes expirent et des bâtiments qui ont pris toute une vie pour être construits sont réduits en cendres. Il est urgent que les gens de conscience du monde entier se joignent à la solidarité et s’opposent à la collusion de leurs gouvernements et de leurs institutions avec ce crime contre l’humanité qui n’a que trop duré.

 Shahd Abusalama شهد ابوسلم

Original: Speech for London rally in support of Palestinians’ Rights to Exist, Resist and Return

Traduit par Chronique de Palestine

Source: Tlaxcala, le 14 mai 2019

publié par Chronique de Palestine