Les prochaines étapes du coup d’État
Le Venezuela entre dans une zone d’incertitudes et de dangers

La distance entre les annonces et la matérialisation du coup d’État, c’est-à-dire le renversement de Maduro, est encore grande. La stratégie putschiste doit combiner des variables : pression internationale en faveur de la reconnaissance du gouvernement parallèle – avec des actions économiques, y compris- et création du bordel à l’intérieur du pays, avec des morts. C’est le moment présent.

Image associéeLa distance entre les annonces et la matérialisation du coup d’État contre Maduro est encore grande. La stratégie putschiste doit combiner deux variables : la pression internationale en faveur de la reconnaissance du gouvernement parallèle – dont des actions économiques – et la création du bordel à l’intérieur du pays, avec des morts.

Carlos Latuff

Caracas-Les cartes sont distribuées et le jeu est en marche. La semaine qui s’achève a été l’aboutissement de la rupture de l’étape précédente, l’entrée dans un terrain aux résultats incertains et dangereux, avec des éléments prévisibles. Nous nous trouvons au moment de la maturation des différentes variables, dans l’attente de nouveaux éléments de catalysation/justification.

L’enchaînement des événements semble avoir été parfaitement minuté : la tentative de vol d’armes par un groupe de membres de la Garde nationale bolivarienne lundi matin, suivie de poches de violence dans l’ouest de Caracas, la vidéo de Mike Pence donnant sa bénédiction de Juan Guaidó et l’appel à la mobilisation du 23 janvier, la prestation de serment de Guaidó, le twitt de Donald Trump le reconnaissant quelques minutes plus tard, la poursuite des foyers de violence, la réunion de l’Organisation des États américains (OEA) pour essayer de reconnaître le gouvernement parallèle, les 20 millions de dollars promis par Pence pour “l’aide humanitaire”, plus la violence programmée.

Tout ne s’est pas déroulé comme prévu. A l’heure actuelle, les deux principales variables en jeu sont l’internationale et la violente. Pour la première, ils n’ont pas réussi à faire reconnaître Guaidó comme président par l’OEA, avec 16 voix contre 34. Ce n’est pas un nouvel échec : le Groupe de Lima, aujourd’hui affaibli par la position anti-ingérence du gouvernement mexicain, est né de cette incapacité même. Deuxièmement, un acteur majeur comme l’Union européenne n’a pas officiellement reconnu Guaidó et a convenu – un accord instable ébranlé par des gouvernements comme celui de la France – de la nécessité d’organiser de nouvelles élections au Venezuela.

Le centre de gravité est né et retombe aux USA, qui ont convoqué une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies pour ce samedi 26. Quel débat et quel accord recherchent-ils dans le cadre du schéma de gouvernement parallèle ? La stratégie rappelle la manière dont l’opération de renversement du gouvernement libyen a été menée en 2011.

Pour la seconde variable, celle de la violence,on a assisté à la mise en œuvre de foyers programmés qui se sont déplacés dans différents quartiers populaires de Caracas : l’ouest, le sud et le bout de l’est, c’est-à-dire Petare, un des quartiers les plus peuplés. Là, et en particulier dans ce dernier cas, des groupes armés financés ont été activés pour générer des actions violentes afin de créer un scénario incendiaire à haute répercussion médiatique. Les foyers de violence ont un calendrier d’activation nocturne et une conception de gestion pour les réseaux sociaux.

“Au moins 38 pour cent des manifestations ont été violentes et 28,5 pour cent d’entre elles ont donné lieu à des affrontements avec les forces de sécurité, avec des armes à feu et des objets contondants “, déclare le groupe de défense des droits humains Surgentes. Un deuxième sergent de la Garde nationale bolivarienne a été assassiné et deux membres de ce corps ont été battus dans une tentative de lynchage en plein jour dans la zone la plus forte de l’opposition.

Dans ce tableau, il y a eu un nombre croissant de morts, de jeunes gens des secteurs populaires activés par la droite. C’est une situation bien connue : 2017 a présenté la même méthodologie, avec des points critiques, de jeunes chavistes brûlés dans la rue jusqu’à des attaques de casernes militaires. Cela fait partie de l’escalade qui se déroule à Caracas et en plusieurs points du pays, crée des scénarios d’incendies et de morts où la droite ne sacrifie pas sa base sociale, et se combine avec les journées de mobilisation comme celle du 23.

La stratégie putschiste doit combiner des variables : pression internationale en faveur de la reconnaissance du gouvernement parallèle, et création du bordel à l’intérieur du pays, avec des morts. C’est le moment présent.

Quelle est la prochaine étape ? L’une des mesures prévues est d’activer les actions du gouvernement parallèle, qui tire sa force de la scène internationale, mais qui n’a ni pouvoir ni influence au niveau national. Cela pourrait se traduire par des mesures économiques, telles que la tentative de gel des avoirs de l’État ou la saisie de CITGO, la filiale aux USA de PDVSA (Société pétrolière d’État). Ces attaques aggraveraient les difficultés économiques dans le but d’amener l’économie à l’effondrement programmé depuis le début de la stratégie de sabotage et de blocus.

En même temps, on s’attend à ce qu’ils essaient de lancer l’opération pour apporter l'”aide humanitaire” promise par Mike Pence lors de la réunion de l’OEA : s’agit-il d’un cheval de Troie ?

Cet ensemble de mesures conçues et mises en œuvre sur le front international n’apporte pas la réponse à la question de savoir comment ils ont l’intention de virer Nicolas Maduro du gouvernement démocratiquement élu. Lorsque Juan Guaidó a été interrogé sur cette question, il a répondu que l’intervention militaire est un “élément de force qui est sur la table “, et en ce qui concerne un coup d’État que la Force armée nationale bolivarienne (Fanb) pourrait mener, il a affirmé que « c’est toujours un élément à envisager ».

La feuille de route proposée par Guaidó, élément d’un plan concocté à l’extérieur, ne peut être réalisée sans un niveau élevé de violence. Quelles seront les modalités de cette violence ? C’est ce qui reste à voir. Nous connaissons le contexte des années 2014 et 2017, ce qui est déjà en cours, ce dont ils ont besoin pour atteindre leur objectif. Guaidó, perturbé par son rôle et son esprit de triomphe, a étendu à Nicolás Maduro l’amnistie qu’il a promis d’accorder aux civils et aux militaires.

La distance entre les annonces et la matérialisation du coup d’État, c’est-à-dire le renversement de Maduro, est encore grande. La direction de la Fanb s’est prononcée, affirmant qu'”elle n’acceptera jamais un président imposé à l’ombre d’intérêts obscurs et autoproclamé en marge de la loi”. Vladimir Padrino López, ministre de la Défense, a également affirmé qu'”une confrontation entre Vénézuéliens sera évitée, ce n’est pas la guerre civile qui va résoudre les problèmes du Venezuela, c’est le dialogue”. Cette dernière phrase doit être prise très au sérieux : l’une des stratégies de violence incluses dans le plan du coup d’État est de déclencher des affrontements entre civils.

La droite répète qu’elle ne dialoguera pas et ne négociera pas. Quant à Nicolas Maduro, il a affirmé sa volonté de le faire, suite aux déclarations des gouvernements mexicain et uruguayen, et s’il n’y a pas de dialogue, alors quoi ? le Venezuela est confronté à une décision qui semble être sans retour : celle d’accélérer l’agression sous toutes ses formes afin de chasser par la force le gouvernement élu du Venezuela et de prendre une revanche massive. La conduite de l’opération réside aux USA, encore et toujours au nom de la liberté.

Marco Teruggi

Original: Los próximos pasos del golpe
Venezuela entra en un terreno de desenlaces inciertos y peligrosos

Traduit par   Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي

Source: Tlaxcala, le 26 janvier 2019