Lundi 12 novembre, le président colombien Iván Duque a été reçu à l’Unesco à Paris. Des Colombiens ont été violemment ejectés de la salle alors même qu’ils n’avaient pas ouvert leur bouche.
Lundi 12 novembre à 18h, une conférence publique du président colombien Ivan Duque devait se tenir au siège de l’Unesco à Paris. Invité par le président Macron, celui-ci est venu aux festivités associées au centenaire de la fin de la première Guerre Mondiale. C’était la première occasion, pour les Colombiens de Paris, de rencontrer le président fraîchement élu.
Or, avant même le début de la conférence, il y a eu des violences dans la salle X de l’Unesco. Des personnes présentes dans la salle ont été signalées par les services diplomatiques colombiens aux forces de sécurité et ont été expulsées violemment, comme le montrent des photos et vidéos réalisées par des témoins sur place et relayées sur les réseaux sociaux, comme ici :
Plusieurs autres personnes qui se trouvaient dans la salle ont été également expulsées. Des fonctionnaires de l’ambassade de Colombie leur ont demandé de libérer provisoirement des places, puis les ont reconduites à l’extérieur de l’immeuble.
Les personnes qui ont été expulsées ne s’étaient pas fait remarquer dans la salle. Clairement, l’ambassade de Colombie détient une liste noire de personnes « indésirables ».
Pendant ce temps, dehors, plus d’une centaine de personnes, inscrites depuis plusieurs jours pour assister à cette conférence, se sont vues refouler à l’entrée du bâtiment. Alors qu’elles attendaient des explications (on leur avait dit que M. Luis Armando Soto, de la délégation colombienne à l’Unesco, viendrait), 9 cars de CRS sont arrivés. Les CRS ont rapidement réussi à encercler et à « neutraliser » une centaine de personnes qui attendaient d’accéder à une conférence publique où elles étaient inscrites.
Paris est une ville où résident de nombreux Colombiens. Nombre d’entre eux sont de gauche : étudiants qui s’inscrivent dans les universités françaises au lieu de payer les tarifs exorbitants des universités privées colombiennes, exilés politiques, intellectuels. Dans ces cercles, la répression et l’assassinat des leaders sociaux en Colombie, la privatisation du système éducatif, les positions homophobes (portées notamment par la nouvelle ambassadrice de la Colombie en France) sont très mal vécues. Nombreux sont ceux qui soutiennent la mobilisation en cours des étudiants (voir cette vidéo) ou qui ont signé une pétition pour protester contre la nomination de Viviane Morales à l’ambassade de Colombie.
Le gouvernement colombien (une droite dure qui a voté contre les accords de paix avec les Farc) sait qu’il n’est pas bien vu dans ce milieu. Mais les agissements de ce lundi 12 novembre montrent qu’il n’hésite pas à recourir à la force pour se débarrasser de ses opposants, aujourd’hui pour éviter quelques questions gênantes, et demain… ? Les Colombiens de France s’inquiètent de l’existence de listes noires au sein de l’ambassade de Colombie. Le souvenir des « chuzadas », la mise sous écoute des opposants politiques, journalistes, magistrats, ainsi que les assassinats politiques commis par les services secrets colombiens est frais.
Et la France, dans tout cela ? Ses propres services de sécurité sont-ils complices de ces violations des droits humains ?
Olga L. González
Source: Mediapart Le blog de Olga L. Gonzalez, le 13 novembre 2018