Nouvelles protestations : l’arrestation du rappeur Pablo Hasél révèle le mal-être des jeunes en Espagne

Barcelone, incubateur historique de mouvements sociaux, depuis l’anarchisme des débuts du XXe siècle, jusu’à l’anti-globalisme des débuts du XXIe, redevient le leader de la rébellion d’une jeunesse qui en a ras-le-bol, en ces temps de dystopie pandémique.

Barcelone. Pour le quatrième jour consécutif, des centaines de jeunes se sont rassemblés en un point du centre de Barcelone – la Place Universitat – après des appels anonymes sur des réseaux sociaux comme Telegram. Sans pancartes ni drapeaux  indépendantistes – il y a à peine une ou deux « estelades » [drapeau catalan marqué d’une étoile] –, ils sont unis par le cri « Liberté Pablo Hasél ! », le rappeur catalan arrêté lundi dernier après une condamnation à neuf mois de prison pour s’être livré à des « injures contre la Couronne » et une « apologie du terrorisme » dans ses chansons. Et, pour la quatrième fois cette nuit, les marches ont débouché sur des émeutes.

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 Sans liberté d’expression, il n’y a pas de démocratie

 #L’ArtAvecPabloHasél

Les poursuites lancées contre des rappeurs, activistes sur Tweeter, journalistes, ainsi que d’autres représentants de la culture et de l’art parce qu’ils ont essayé d’exercer leur droit à la liberté d’expression sont devenues une constante. C’est ainsi que l’Etat espagnol en est arrivé à figurer en tête de la liste des pays qui ont sanctionné le plus grand nombre d’artistes pour le contenu de leurs chansons. Maintenant, avec l’emprisonnement de Pablo Hasél, l’Etat espagnol peut être comparé à des pays comme la Turquie ou le Maroc, qui comptent aussi plusieurs artistes emprisonnés pour avoir dénoncé les abus commis par l’Etat.

L’emprisonnement de Pablo Hasél rend encore plus visible l’épée de Damoclès suspendue sur la tête de toutes les personnes publiques qui osons critiquer publiquement le comportement d’une quelconque institution de l’Etat.

Il est nécessaire de faire connaître cette situation au niveau international pour mettre en relief la situation où nous nous trouvons. Nous sommes conscients que, si nous laissons emprisonner Pablo, demain ils peuvent venir chercher n’importe lequel d’entre nous, jusqu’à ce qu’ils arrivent à faire taire tout soupir dissident.

C’est pourquoi nous, soussignés, nous nous sommes unis en tant que représentants du monde de l’art et de la culture de ÉEtat espagnol, pour témoigner notre soutien à Pablo, exiger sa liberté, et aussi qu’on expulse du Code Pénal ce type de délits qui ne font qu’amputer le droit, non seulement de la liberté d’expression, mais de la liberté idéologique et artistique.

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Autres signataires 

« Nous sommes ici pour défendre la liberté d’expression. Dans ses chansons, Hasél dit des vérités qui gênent le gouvernement, par exemple que le roi est un voleur, et c’est pour cela qu’on le condamne. Par contre, l’extrême-droite incite à la haine, et il ne leur arrive rien », lance Pepa, 20 ans, étudiante en Arts de la scène. Elle est venue avec un groupe de cinq amies, toutes étudiantes, qui ont déjà participé précédemment à des protestations, parce qu’ « il y a des milliers de raisons qui font que le système ne fonctionne pas ». Un hélicoptère tourne, menaçant, au-dessus des têtes des participants, dont la majorité ont à peine plus de 20 ans.

Les manifestations de soutien à Hasél et à la liberté d’expression ont eu lieu dans plusieurs villes espagnoles comme Madrid, Valence et Grenade, mais leur épicentre se trouve, sans aucun doute, en Catalogne. Plus précisément, c’est à Barcelone que les affrontements entre la police et certains manifestants ont atteint une plus grande intensité. Depuis lundi, des dizaines de personnes, dont une trentaine d’agents de police, ont été soignées pour contusions, et une jeune fille de 19 ans a perdu un œil mercredi après avoir reçu l’impact d’une balle en caoutchouc. En outre, plus de 70 personnes, dont plusieurs mineurs, ont déjà été arrêtées.

Bien que tous se montrent indignés par le verdict contre Hasél, peu d’entre eux se déclarent fans de sa musique. De fait, certains ne le connaissaient même pas avant sa condamnation. Maintenant, il est devenu un symbole, ou plutôt, le catalyseur qui a condensé le malaise accumulé et l’a transformé en colère. Les raisons qu’indiquent les acteurs des protestations sont variées : le chômage des jeunes et la précarité, l’impunité de l’extrême-droite, la brutalité policière, la non reconnaissance du droit à l’autodétermination de la Catalogne.

Drapeaux catalans lors de la marche de vendredi à Barcelone. Photo Felipe Dana-AP

« Le pays va très mal. Beaucoup de gens vivent dans la pauvreté, nous subissons une grande crise sociale et économique. Le système doit changer », proclame Guillem, un lycéen qui s’est rendu au rassemblement drapé dans un drapeau républicain marqué d’une étoile rouge : « C’est le drapeau des milices républicaines pendant la guerre civile », explique-t-il avec fierté.

L’explosion de la pandémie a enchaîné en Espagne avec le contre-coup de la Grande Récession de la dernière décennie, qui a provoqué une augmentation sensible des inégalités et de la pauvreté. Avant l’arrivée du Covid-198, le chômage touchait 13,5% de la population, presque le double du chiffre de 2008. Mais, parmi les moins de 25 ans, il s’élève presque à 41%, alors que la moyenne européenne est de 17%. De plus, parmi les heureux élus qui ont un travail, pour 67% d’entre eux, il est temporaire. Certains sociologues les définissent comme la « génération perdue », qui maintenant n’a pas non plus droit à l’interaction sociale nocturne du fait du couvre-feu.

Dans les rues du centre de Barcelone, on peut observer quelques cicatrices des altercations des nuits précédentes, avec, sur l’asphalte, les taches noires dues à la combustion de conteneurs et de motocyclettes. À certains carrefours, la dimension des barricades en feu a failli provoquer un incendie dans les immeubles voisins, provoquant une véritable frayeur parmi leurs habitants. Hier, tard dans la soirée, on a vu se répéter les scènes de flammes et de courses avec la bande-son des sirènes, même si la police s’est comportée avec plus de retenue après les critiques qu’elle a reçues.

« Je ne sais pas s’il y a des gens qui viennent exprès pour brûler des choses. Moi, je crois que c’est le résultat de la frustration, nous savons que si on demande les choses poliment, on ne fait même pas attention à vous », commente Claudia, une étudiante de première année en Sociologie. « Hier, on rentrait à la maison, et, sans raison, la police s’est mise à charger et à tirer avec des balles en caoutchouc. Sa brutalité explique aussi sa violence. Aujourd’hui, je suis venu la peur au ventre », reconnaît Marc, 17 ans.

« C’est un amalgame de gens violents et agressifs qui, avec le prétexte d’une manifestation autorisée, provoquent des désordres », a déclaré jeudi en conférence de presse Joan Carles Molinero, porte-parole des Mossos, la police catalane.

Comme cela s’est déjà produit lors des protestations contre la condamnation des responsables politiques indépendantistes, les dirigeants de la police croient que des petits groupes d’ultra-gauche ayant une expérience des tactiques de « guérilla urbaine » s’infiltrent dans les manifestations et agissent avec une forte coordination et une extrême violence. La réponse policière provoque l’excitation du reste des manifestants, et la protestation débouche sur une bataille rangée.

Barcelone, incubateur historique de mouvements sociaux, depuis l’anarchisme des débuts du XXe siècle, jusu’à l’anti-globalisme des débuts du XXIe, redevient le leader de la rébellion d’une jeunesse qui en a ras-le-bol, en ces temps de dystopie pandémique.

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Liberté Pablo Hasel

Liberté prisonniers politiques

Si vous ne nous laissez aucune issue, nous ferons sauter le labyrinthe.

Ricard González Samaranch ريكارد غونزاليس سمرانش

Original:Nuevas protestas: el arresto del rapero Pablo Hasél destapa los malestares de España

Traduit par Rosa Llorens Ρόζα Λιώρενς

Edité par   Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي

Source: Tlaxcala, le 21 février 2021

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