L’imagination au pouvoir : la France se soulève à nouveau

Les protestations en France, déclenchées par la hausse du prix des carburants, se sont étendues non seulement aux citoyens qui les on initiées, mais aussi aux travailleurs et aux retraités, ceux qui vivent de leur salaire. La presse et les observateurs sont désorientés, tout autant que les gens au pouvoir, qui ne parviennent pas à détecter les motifs d’un mouvement qui se maintient et s’étend. Luis Casado écrit depuis Paris.

Une dame âgée profite du téléphone que lui tend un journaliste et brandissant une pancarte déclare : «  Je suis indignée. c’est ce que dit ma pancarte ! Indignée ! «  C’est la première fois de sa vie, comme beaucoup d’autres, qu’elle descend dans la rue pour manifester. Les retraités sont nombreux parmi les « Gilets Jaunes » qui bloquent les rues et les routes de France.L’un d’eux à Marseille, déclare : »Voilà 40 ans qu’ils nous serrent la ceinture, qu’ils réduisent les retraites,qu’ils augmentent les impôts, y en a marre. C’est fini ! »

Les médias font des comptes « intéressés » et affirment, chiffres en main, que les manifestants sont de moins en moins nombreux dans les rues. Pourtant les images montrent exactement le contraire. La TV, au services de ceux qui possèdent les chaînes, montre des scènes de violence. Pourtant, l’immense majorité des manifestations sont pacifiques et la dernière enquête d’opinion monter que 84 % de la population appuie le mouvement.

Le ministre de l’Intérieur, un socialiste passé à droite,(enfin un socialiste, quoi !) dénonce l’extrémisme de gauche et de droite. Un autre ministre, du gouvernement de copains, déclare que les manifestants sont des « hordes brunes », faisant référence au nazisme. Pourtant, il s’agit d’un mouvement spontané, d’ampleur nationale, dans lequel les manifestants de veulent pas être assimilés a une quelconque organisation politique. Les commentateurs, qui aujourd’hui serrent les fesses, estiment que cela résulte de la crise de représentativité des partis politiques.

Que réclament les gilets jaunes ? Si l’augmentation des taxes sur les carburants fut l’étincelle qui a mis le feu à la plaine, les revendications, diverses et variées, peuvent se résumer en une seule :

«  Nous voulons pouvoir vivre avec le salaire que nous gagnons »

C’est simple et complexe à la fois. La France est le pays de l’UE qui collecte le plus d’impôts, de taxes et de cotisations : presque 50 % du PIB. Mais les services publics disparaissent, ils deviennent de plus en plus rares, chers et de mauvaise qualité là où ils étaient abondants,gratuits et les meilleurs du monde.

« Où va l’argent de nos impôts ? » est une question fréquente dans la bouche des « Gilets Jaunes ».

En même temps, la France est le pays qui distribue le plus de dividendes aux actionnaires des grandes entreprises. Autre record ! Les salaires des « grands patrons » se comptent en millions d’euros à l’année, sans oublier les stock-options, les retraites dorées, les gigantesques primes de départ, les avions privés, les luxueuses résidences et autres gâteries que les collaborateurs de haut rang s’octroient eux-même avec générosité pour de l’argent qui ne leur appartient pas.

Carlos Ghosn, président du groupe Renault-Nissan-Mitsubishi, personnifie, bien contre son gré, ces abus.

Il y a deux semaines il déclarait sue les ouvriers de Renault étaient trop bien payés. Lui-même reçoit 18 millions d’euros par an. Une misère à ses yeux, ce qui l’a conduit à escroquer le fisc japonais toit en achetant quelques propriétés ou immeubles aux USA avec l’argent de l’entreprise, sans compter d’autres « indélicatesses ». ..Parmi celles-ci, l’achat d’un avion privé dont l’a sorti la police japonaise pour le mettre en prison où il est actuellement pour divers délits fiscaux.

Les services des impôts japonais, autrement plus efficaces que les chiliens, enquêtaient depuis longtemps sur le groupe Nissan. Les cadres supérieurs de l’entreprise ont dénoncé Ghosn pour se sauver eux-même des années de prison qui les attendaient. La justice japonise n’a pas l’habitude comme le fait son homologue chilienne, de condamner à des « peines de liberté » les déliquants en cols blancs et cravates. Ghosn, nommé à son emploi par le gouvernement français (actionnaire de Renault) a oublié de déclarer au fisc 40 millions d’euros…Un oubli…à moins que ce soit une erreur.

C’est pour tout cela que la revendication de fond est la répartition de la richesse créée par l’effort de chacun. Aucun « Gilet Jaune » ne réclame d’aide, de pension spéciale : seulement pouvoir vivre dignement avec son salaire gagné honnêtement ou de la juste retraite obtenue après 40 ans de travail. Cela nécessite augmenter salaires et pensions, doter les services publics des budgets qu’ils réclament depuis des dizaines d’années.

gilets

Quid de la compétitivité ? De l’équilibre budgétaire ? De la dette souveraine ?

Les « Gilets Jaunes » suggèrent de recouvrer les impôts de ceux qui accumulent des fortunes obscènes grâce au travail de millions de salariés, et qui , les cachant dans des paradis fiscaux, ne paient pas plus d’impôts que Madame Michu !

Ce qui coûte cher à la France, ce n’est pas le travail c’est le capital rémunéré à des taux scandaleux. Les grandes fortunes ont vu leur capital augmenter de 20 % en 2017.

A cela il faut ajouter la fraude fiscale annuelle : 70 milliards d’euros par an…Jean-Claude Juncker, actuel président de la Commission Européenne, qui fut pendant 30 ans, ministre des finances et Premier Ministre du Luxembourg, a avoué avoir organisé la fraude fiscale de centaines de multinationales, soustrayant ainsi plus de 2 billions d’euros aux budgets des pays eutopéens

Pierre Perret, un très populaire chanteur français a dit avec tristesse à la télévision : «  Il faut les appuyer. Ils n’en peuvent plus ! Ils ne mangent que des pâtes chaque jour. Ils ne peuvent plus sortir ni aller voir leur famille».

Quand, en 1789, les femmes des quartiers les plus pauvres de Paris descendirent dans la rue parce qu’elles n’avaient plus de pain à mettre sur la table, la reine Marie-Antoinette s’exclama, souriante : » Elles n’ont pas de pain ? Qu’elles mangent de la brioche ! »

Quelque jours plus tard les mêmes femmes vinrent la chercher à Versailles…On connaît la suite.

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Dans un effort gigantesque, les sans-culottes rendirent possible l’arrivée de l’imagination au pouvoir. Et de leur “sang impur” ils abreuvèrent les sillons de France pour la libérer de l’oppression monarchique.

1789, 1830, 1848, 1871, 1968…

Certains attendaient Mai 2018. Ce sera Décembre.

Patrick Chappatte, Le Temps, Suisse

Luis Casado

Original: La imaginación al poder: Francia nuevamente se levanta

Traduit par Michel Uteau

Edité par María Piedad Ossaba

Source: Mediapart, 1 décembre 2018