Les Israélien·nes patriotes et épris·es de justice devraient se tourner vers La Haye avec espoir

La route est encore longue et la terreur qu’Israël fait peser sur la communauté internationale est encore grande. Mais une chose est déjà accomplie : Israël n’a pas nié les crimes, mais plutôt l’autorité de la cour pour les juger.

Maintenant, c’est un train à deux têtes. Par une combinaison d’événements, qui n’est pas entièrement fortuite, Israël et son Premier ministre sont tous deux accusés de crimes, et tous deux tentent d’échapper à la justice de la même manière : en entravant le système judiciaire dans chaque cas. Les soupçons concernant les crimes de l’État sont beaucoup plus graves que ceux de son premier ministre, et par conséquent l’évasion de la justice par l’État est beaucoup plus néfaste.

Carlos Latuff 

Les Israéliens, presque tous, pensent différemment, bien sûr. Pour eux, la plus grande corruption est celle du premier ministre ; dans leur conscience, celle de l’État n’existe pas. Personne ne leur a parlé des crimes qui sont commis chaque jour. On leur a seulement dit que leur armée est la plus morale du monde et ils ont avalé cela, hameçon, ligne et plomb compris. En Israël, quiconque ose appeler un crime un crime est un antisémite. Maintenant, la procureure en chef de la Cour pénale internationale à La Haye, Fatou Bensouda, dit qu’il y a des raisons de croire qu’Israël a commis des crimes de guerre. Peut-être que l’antisémitisme s’est également répandu dans son pays d’origine, la Gambie. Mais la procureure générale Bensouda est prudente dans ses déclarations ; elle est trop prudente.

C’est le jour que nous attendions. Tous ceux qui cherchent à obtenir justice l’attendent. Quiconque croit que des crimes ont été commis espère le jour où leurs auteurs seront traduits en justice, qu’il s’agisse de meurtriers, de violeurs, de voleurs ou de commandants de l’armée, de ministres ou de colons responsables de crimes de guerre. La probabilité qu’Israël enquête sur lui-même n’est pas mince : elle est inexistante. C’est pourquoi nous nous tournons vers La Haye, vers l’endroit où les criminels de guerre sont jugés alors que leurs pays ne songeraient pas à les poursuivre.

Israël est un exemple criant d’un tel pays. Quelqu’un pense-t-il sérieusement que des crimes de guerre n’ont pas été commis lors de la guerre de 2014 dans la bande de Gaza ? Pas même lors du Vendredi noir à Rafah ? Que le transfert de centaines de milliers de civils dans les territoires occupés et la prise de possession forcée de terres là-bas, y compris de terres privées, ne constituent pas une infraction impitoyable et sans cœur au droit international ? Y a-t-il un responsable juridique équitable qui voit des centaines de manifestants non armés tués près de la barrière qui emprisonne Gaza, un crime de guerre en soi, et qui ne veuille pas que les responsables soient punis ?

C’est un grand jour, car il ne s’agit pas seulement de crimes passés, mais de crimes qui se produisent tous les jours, jusqu’à aujourd’hui. Ils se poursuivent pendant que ces lignes sont écrites et pendant que vous les lisez. Il n’y a pas un moment sans un crime. La seule façon de les arrêter, c’est de criminaliser les responsables. Israël ne fera jamais cela lui-même, seule La Haye le fera. Lorsque les ministres et les officiers craignent de quitter le pays, l’armée de l’air y réfléchira à deux fois avant de bombarder des cabanes en tôle à Gaza et de massacrer leurs habitants.

La route est encore longue et la terreur qu’Israël fait peser sur la communauté internationale est encore grande. Mais une chose est déjà accomplie : Israël n’a pas nié les crimes, mais plutôt l’autorité de la cour pour les juger. Ce faux pas de la propagande israélienne sera corrigé, mais l’affirmation selon laquelle La Haye n’a pas l’autorité nécessaire pour traiter de ce qui se passe dans les zones occupées par Israël soulève une puissante question : Alors, qui l’a ? L’Avocat général des armées ? La Haute Cour de justice ? Vous rigolez. « Un jour noir pour la vérité et la justice », a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahou, à propos d’ un jour qui est incomparablement glorieux dans sa promesse de vérité et de justice. « Capitulation dvant la propagande fausse et diffamatoire des terroristes palestiniens », a pontifié le législateur de Kahol Lavan Yair Lapid, prouvant une fois de plus que sur les questions importantes, il n’y a vraiment aucune différence entre lui et Netanyahou.

Israël a tout fait pour arriver à La Haye. C’est ce qui se passe quand les services du procureur (israéliens) est un cimetière pour les crimes de guerre, que la Haute Cour les blanchit et que les médias les cachent et les couvrent. C’est comme ça que ça se passe quand le droit international est déconsidéré pendant des décennies. Il n’y a probablement aucun autre pays qui fasse un pied de nez au droit international de cette façon et qui n’en paie pas le prix. Peut-être que le moment de la vérité approche maintenant, le moment de la sanction. Ce sera très bon pour Israël. Cela pourrait nettoyer ses écuries, tachées de sang et de terres volées. Chaque Israélien·ne patriote et épris·e de justice devrait maintenant se tourner vers La Haye avec espoir.

Juan Kalvellido, janvier 2009

Gideon Levy جدعون ليفي גדעון לוי

Original: Israeli patriots and justice seekers should look to the Hague with hope

Traduit par Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي

Source: Tlaxcala, le 23 décembre 2019