L’ONU censure la publication d’une liste noire des entreprises implantées dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967

L’hypocrisie de ces États – qui enjoignent à la paix dans la région tout en faisant de leur mieux pour l’entraver – est claire. Maintenant, le danger est que les dirigeants de l’ONU se joignent à eux.

L’Organisation des Nations Unies a reporté pour la troisième fois la semaine dernière la publication d’une liste noire des entreprises israéliennes et internationales [usaméricaines, françaises, allemandes, britanniques et hollandaises] qui profitent directement des colonies de peuplement illégales établies par Israël dans les territoires occupés.

L’organisme international subissait d’énormes pressions pour garder la base de données secrète, après qu’un intense lobbying ait été exercé en coulisses par Israël, les USA  et de nombreuses entreprises parmi les 206 qui étaient sur le point d’être nommées.

Les responsables de l’ONU ont suggéré qu’ils pourraient rendre publique la liste dans quelques mois.

Mais aucun progrès n’ayant été réalisé depuis que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a demandé l’établissement de cette base de données début 2016, les dirigeants palestiniens craignent de plus en plus qu’elle ait été définitivement enterrée.

C’était exactement ce qu’Israël espérait. Lorsque des efforts ont été déployés pour la publication de la liste en 2017, Danny Danon, ambassadeur d’Israël auprès de l’ONU, a averti : « Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer que cette liste ne voie jamais le jour. »

Il a ajouté que pénaliser les colonies était « une expression de l’antisémitisme moderne ».

Israël et les USA se sont tous deux retirés du Conseil des droits de l’homme l’année dernière, affirmant qu’Israël y était discriminé.

Israël a de bonnes raisons de craindre une plus grande transparence. Une mauvaise publicité conduirait probablement beaucoup de ces entreprises, dont certaines sont de premier plan, à cesser leurs activités dans les colonies, craignant une réaction brutale des consommateurs et le retrait des investissements des organisations religieuses et des fonds de pension.

L’ONU aurait déjà averti Coca-Cola, les produits pharmaceutiques Teva, la société d’électronique de défense Elbit Systems et Africa Israel Investments de leur inclusion probable dans cette liste. Les entreprises de télécommunications et de services publics israéliennes sont particulièrement exposées, car les réseaux desservant les colonies sont intégrés à ceux en Israël.

Si la Cour pénale internationale de La Haye finissait par ouvrir une enquête pour déterminer si les colonies constituaient un crime de guerre, comme l’exigent les dirigeants palestiniens, ces entreprises risqueraient en plus d’être exposées à des poursuites judiciaires.

L’exode de ces entreprises de Cisjordanie rendrait beaucoup plus difficile pour Israël de maintenir ses colonies sur des terres palestiniennes volées. En conséquence, les efforts visant à faire avancer le projet d’État palestinien seraient renforcés.

Contrairement à ce que l’on pense généralement, de nombreuses colonies sont devenues de grandes villes. Leurs habitants attendent tout le confort de la vie moderne, des succursales de banque locales aux établissements de restauration rapide, en passant par les grandes chaînes de vêtements.

Aujourd’hui, une proportion importante des 750 000 colons israéliens comprennent à peine que leurs communautés violent le droit international.

Les colonies sont également progressivement intégrées à l’économie mondiale, comme l’a souligné un conflit l’année dernière lorsque Airbnb, un site internet de réservation d’hébergements, a annoncé son intention de déréférencer les offres de location des colonies de Cisjordanie.

La société cherchait peut-être à éviter d’être incluse dans la liste noire de l’ONU, mais cette action a subi une vive réaction de la part des partisans d’Israël.

Ce mois-ci, l’État du Texas a approuvé une interdiction de tous les contrats avec Airbnb, arguant que l’action de la société en ligne était « antisémite ».

Comme les deux parties le comprennent bien, la publication de la liste noire serait lourde de conséquences.

Si Israël et les USA réussissent et que les entreprises occidentales restent libres d’ignorer la dépossession et les souffrances des Palestiniens, les colonies s’enracineront encore plus profondément dans la Cisjordanie. L’occupation israélienne deviendra de plus en plus irréversible et la perspective d’un État palestinien de plus en plus éloignée.

Un rapport de 2013 sur les liens entre les grandes entreprises et les colonies de peuplement a établi que l’impact sur les droits des Palestiniens était « envahissant et dévastateur ».

Malheureusement, la lâcheté des dirigeants de l’ONU sur ce qui devrait être une affaire simple – les colonies violent clairement le droit international, et les entreprises internationales ne doivent pas être complices de telles actions criminelles – s’inscrit dans une tendance claire.

A maintes reprises, Israël a exercé de fortes pressions sur l’ONU pour qu’elle maintienne son armée hors d’une « liste de la honte » des auteurs de violations graves des droits de l’enfant. Israël a même évité une inscription sur cette liste en 2015 après son attaque de 50 jours sur Gaza l’année précédente, qui a coûté la vie à plus de 500 enfants palestiniens. Des dizaines d’armées et de milices y sont inscrites chaque année.

Le tribunal de La Haye traîne également des pieds depuis des années sur la nécessité d’ouvrir une véritable enquête sur les crimes de guerre d’Israël à Gaza, ainsi que dans les colonies de peuplement.

La bataille pour demander des comptes à Israël risque de faire rage à nouveau cette année, après la publication le mois dernier d’un rapport accablant d’experts juridiques de l’ONU sur l’assassinat de manifestants palestiniens à la clôture de Gaza par des snipers Israéliens.

Les conditions de vie des deux millions de Palestiniens à Gaza sont devenues critiques depuis qu’Israël a imposé un blocus qui empêche la circulation des biens et des personnes, ce il y a plus d’une décennie.

Le rapport de l’ONU a révélé que presque toutes les personnes tuées par les tireurs d’élite – 154 sur 183 – n’étaient pas armées. Parmi les morts, on compte environ 35 enfants palestiniens, et sur les 6 000 blessés, plus de 900 étaient des mineurs. Des journalistes, du personnel médical et des personnes handicapées ont également été blessés.

Les experts juridiques ont conclu à l’existence de preuves de crimes de guerre. Tous les commandants et tireurs d’élite identifiables, ont-t-il ajouté, devraient être arrêtés s’ils se rendent dans les États membres de l’ONU.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a toutefois qualifié le rapport de « mensonges » nés d’une « haine obsessionnelle d’Israël ».

Certes, ce rapport n’a causé que peu de remous dans les capitales occidentales. Jeremy Corbyn, le chef de l’opposition britannique, fut le seul à réclamer l’imposition d’un embargo sur les armes à Israël en guise de réponse.

Cet exceptionnalisme israélien est particulièrement frappant. Plus Israël devient violent envers les Palestiniens et plus il est intransigeant dans le refus de la paix, moins il subit de pressions.

Non seulement Israël continue de bénéficier d’un généreux soutien financier, militaire et diplomatique de la part des USA  et de l’Europe, mais tous deux s’efforcent de plus en plus de faire taire les critiques de leurs propres citoyens à l’égard des crimes israéliens.

À mesure que le mouvement international de Boycott, de Désinvestissement et de Sanctions prend de l’ampleur, les capitales occidentales ont progressivement renié leurs engagements en faveur de la liberté d’expression pour tenter de l’écraser.

La France a déjà criminalisé le soutien au boycott d’Israël, et son président, Emmanuel Macron, a récemment proposé de rendre illégale toute critique du sionisme, idéologie sous-jacente à l’emprise israélienne brutale sur les Palestiniens.

Plus de deux douzaines d’États usaméricains ont adopté une législation anti-BDS interdisant aux entreprises et aux entrepreneurs individuels qui ont des relations avec le gouvernement de cet État de boycotter Israël. Israël est le seul pays à être protégé par de telles lois. Le mois dernier, le Sénat US a adopté un projet de loi qui ajoute un poids fédéral à cette campagne d’intimidation à l’échelle des États.

L’hypocrisie de ces États – qui enjoignent à la paix dans la région tout en faisant de leur mieux pour l’entraver – est claire. Maintenant, le danger est que les dirigeants de l’ONU se joignent à eux.

Jonathan Cook

Original: Once again, the UN has failed to name firms that profit from Israel’s illegal settlements

Traduit par Sayed 7asan سيد حسن

Source: Tlaxcala, le 16 ami 2019

Traduction disponibles: Español