Apocalypse : la petite dette qui monte, qui monte…

Les chroniques économiques rappellent la chanson française “Tout va très bien Madame la Marquise”. Tout va très bien, tout va très bien, pourtant on déplore un tout petit rien, un incident, une bêtise… Cerise sur le gâteau à l’arsenic, l’attitude belliqueuse de Donald Trump, qui cherche à rétablir la domination remise en question de l’Empire, accroît l’incertitude, la volatilité et la perte de confiance. Voilà que je parle comme un putain d’économiste….

Il y a dans le coin un petit futé expert en choses financières qui annonce constamment une crise économique et financière face à laquelle la Grande Dépression traversera une petite turbulence qui n’aurait pas fait tomber un Boeing 737 MAX si, dans les années 1930, ces cercueils volants avaient remplacé les DC-30 méritoires.

Selon John Mauldin, nous ne perdons rien à attendre et nous ferions bien de faire appel à ses aimables services de conseiller financier, la seule façon de ne pas perdre jusqu’à sa brosse à dents dans la catastrophe à venir. Comme toujours dans la cosmogonie du Nord, il y a un ennemi. Cette fois, l’ennemi est la dette. Plus précisément la dette agrégée, expression qui désigne la somme arithmétique de la dette des ménages, des entreprises privées et de l’État ou dette souveraine.

J’ai appris ce matin que la dette des entreprises françaises bat son propre record et dépasse le montant non négligeable de 4 000 milliards d’euros, soit 175 % du PIB français, un pur néant.

Les économistes n’ont pas pipé : pour eux, ce qui est terrible, c’est la dette souveraine, qui représente environ 100 % du PIB, même s’ils ne précisent pas que la “maturation” de la dette publique – échelonnée sur huit ans en moyenne – signifie qu’elle ne représente chaque année que 12,5 % du PIB. Si l’on ajoute à cela le gigantesque patrimoine public (tout n’est pas privatisé…), la dette publique est un pecadille La preuve en est que les marchés financiers prêtent à la France à des taux négatifs, c’est-à-dire qu’ils paient pour prêter de l’argent.

Dans les statistiques disponibles, l’endettement des ménages est commodément dissimulé dans l’endettement des entreprises (dettes privées), même si un étudiant de première année en comptabilité sait qu’une entreprise ne peut être assimilée à un ménage.

Si vous regardez bien, vous constatez que l’endettement des ménages français représente 59,2% du PIB (3ème trimestre 2018). Un chiffre extrêmement soutenable, selon ceux qui savent, qui se font un plaisir de rappeler que l’endettement des ménages britanniques représente 86,2% du PIB british, alors que les neveux de l’Oncle Sam doivent une somme équivalente à 102,1% du PIB de l’Empire. Le rêve américain doit être plein de cauchemars.

Il est intéressant de noter qu’au 30 novembre 2018, les banques françaises détenaient plus de 2 000 milliards d’euros, dont 820 milliards en comptes courants et 485 milliards en livrets d’épargne. Comme on peut le constater, si une préoccupation dérange le rêve du ministre des Finances, c’est bien celle de la dette des entreprises.

Cette inquiétude a été apaisée par la décision de la Banque centrale européenne de maintenir les taux d’intérêt autour de zéro % et de lancer un nouvel assouplissement quantitatif en mettant des masses d’argent à la disposition des banques privées.

Je vous dis tout cela avec la saine intention de répéter ce que j’ai écrit il y a quelque temps. La dette publique chilienne est ridiculement faible étant donné que l’État a abdiqué ses responsabilités en matière de services publics et a cédé ces gigantesques business au secteur privé (en les subventionnant même). Pourtant, même ainsi, l’État fait montre d’une insolvabilité énorme en ne payant pas les fournitures hospitalières publiques, une dette qui dépasse 800 milliards de pesos (un milliard deux cent millions de dollars…). Le Chili, un pays insolvable, quoi qu’en dise son ministre des Finances.

Cependant, compte tenu de l’augmentation progressive des taux d’intérêt, ce qui inquiète, c’est la dette des entreprises “chiliennes”, qui dépasse 130% du PIB.

Une hausse soudaine des taux d’intérêt aux USA a déclenché la catastrophe de 1982-1983 qui a entraîné la faillite de toutes les banques, forçant, comme d’habitude, l’État, c’est-à-dire tous les ménages chiliens, à payer la facture.

Les entreprises opérant au Chili, nationales ou étrangères, étaient alimentées par les fonds de pension. Il n’est pas clair si elles doivent restituer ces fonds, augmentés des intérêts et rémunérations correspondants. A priori, cela devrait être le cas, mais au Chili, on ne sait jamais.

Pire encore, l’expert financier déjà mentionné – John Mauldin – affirme que la dette est impayable et que tôt ou tard il faudra la passer à la moulinette.

D’où mon apocalypse, un mot qui vient du grec ἀποκάλυψις, action de découvrir ou de révéler. Vous voilà prévenus. Désormais, vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas.

Luis Casado

Original: Apocalipsis

Traduit par Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي

Source: Tlaxcala, le 15 mars 2019