Déclaration de Bamako : à la recherche d’une « alternative crédible » au franc CFA

L’économiste togolais et ses cosignataires préconisent une année « de débats contradictoires féconds » dans chacun des 14 pays concernés pour « établir un bilan sérieux de cette monnaie », avec une rencontre à mi-mandat, au Mali ou ailleurs.

À l’initiative de l’économiste togolais Kako Nubukpo, des « États-généraux du F CFA » se sont déroulés à Bamako les 16 et 17 février. Objectif : trouver une monnaie qui pourrait remplacer l’ancienne devise coloniale et « servir l’intérêt général »

À Bamako, les 16 et 17 février, se sont relayés à la tribune l’économiste camerounais Martial Ze Belinga, l’ancien ministre togolais des Finances Kako Nubukpo, l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne Mamadou Koulibaly, le philosophe malien Issa N’diaye ou encore l’altermondialiste malienne Aminata Dramane Traoré, tous bien connus pour leur opposition au franc CFA.

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Kako Nubukpo

« La monnaie, ce n’est pas que l’argent, elle a des dimensions politiques, économiques et culturelles. Le CFA vient d’une ancienne puissance coloniale, et qui descend du temps du colonialisme », ont estimé les intervenants lors des « États généraux du F CFA », dans le mythique mémorial Modibo-Keita, du nom du premier président du Mali indépendant, qui avait retiré son pays de la zone CFA avant que le dictateur Moussa Traoré ne l’y ramène, en 1968.

« Nous sommes dans une phase de sensibilisation », a expliqué à Jeune Afrique l’économiste Kako Nubukpo.

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Pas de transformation structurelle des économies

À l’instar du Modibo Keita, d’autres dirigeants ont poussé leurs pays à s’affranchir du franc CFA, comme l’Algérie, la Tunisie ou encore Madagascar. « Il n’y a que l’Afrique noire qui est restée dans la zone CFA », a ainsi rappelé Mamadou Koulibaly, pour qui « la parité, la garantie de comptabilité, le mouvement de l’économie vers l’Europe profitent essentiellement aux entreprises françaises ».

Les participants ont constitué un Comité provisoire de coordination des états généraux du franc CFA et des alternatives et proposé une déclaration dite de Bamako, lue à la tribune par Kako Nubukpo. « Cette monnaie n’a pas permis la transformation structurelle des économies qui l’utilisent et les échanges intra-communautaires dans les zones CFA demeurent de l’ordre de 15 % contre plus de 60 % dans la zone euro », dit ce texte, qui pointe aussi « la double répression monétaire et financière du fait de la prééminence de l’objectif de défense du taux de change fixe avec l’euro, au détriment du financement de l’économie intérieur en zone franc CFA ».

Un an de débats

Au sujet des réserves de change déposées au Trésor public français, « censées en théorie assurer la stabilité du système, empêchent les États de réinvestir dans leur propre économies dont nombre sont défaillants. Ainsi les pays qui utilisent le Franc CFA sont aujourd’hui en queue de peloton des indicateurs de développement humain (IDH) même si certains pays affichent des taux de croissance au-delà des 5 % » mentionne le même document.

Pour ses auteurs, l’idée n’est pas avoir une monnaie juste pour se débarrasser d’une autre, mais de « trouver une monnaie qui va servir l’intérêt général, ce qui ne nous semble pas le cas du franc CFA, eu égard à un certain nombre de facteurs historiques et institutionnels », précise à Jeune Afrique Kako Nubukpo.

L’économiste togolais et ses cosignataires préconisent une année « de débats contradictoires féconds » dans chacun des 14 pays concernés pour « établir un bilan sérieux de cette monnaie », avec une rencontre à mi-mandat, au Mali ou ailleurs.

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